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Cuisine. La sole, un poisson de gourmets

Tous à table. Reine du camouflage, la sole demeure un poisson d’une rare finesse qui demande souvent à être dégusté avec simplicité.

Temps de lecture: 5 min

Avec plus de 20 % de toutes les soles pêchées sur le territoire, les ports normands tiennent bien leur place. Sur nos côtes, il s’agit surtout de la sole commune qui, sans trop de mauvaise foi, est la meilleure, la plus fine et la plus ferme. Ses cousines, la sole perdrix, la sole des profondeurs ou la sole sénégalaise ne sont pas sans intérêt, mais sont bien loin de l’égaler dans nos assiettes.

Vengeance de Neptune

Les Romains aimaient raconter une légende sur l’origine de ce curieux poisson qui n’aurait pas toujours été plat. Neptune se trempant les pieds dans les eaux méditerranéennes aurait été piqué par l’épine dorsale d’une sole alors qu’elle était encore ronde, semblable à la plupart des poissons. Furieux, le dieu aplatit de son pied l’outrecuidant poisson le condamnant à nager étrangement dans les fonds océaniques. C’est ainsi que la sole et ses descendants sont restés plats et ovales, telles des semelles. Solea, l’origine latine de la sole, signifie d’ailleurs sandales.

Les Romains eux-mêmes, tout en lui donnant cette origine peu flatteuse (il n’est jamais bon d’offenser les dieux), ne s’y trompaient pas. Ils en raffolaient à toutes les sauces et en faisaient aussi bien des fritures, des potages que des pâtés.

Au fil des siècles, la sole a continué son parcours dans nos assiettes et c’est sur les tables les plus prestigieuses, à commencer par les tables royales, que l’on rivalisait d’imagination pour lui trouver les apprêts les plus luxueux. Louis XIV les dégustait avec des écrevisses ou des truffes et ses successeurs avec du caviar.

Au XIXe siècle, lorsque la gastronomie acquiert le rang de grand art, la sole devient un ingrédient essentiel de la palette du cuisinier. Au début du siècle, Marie-Antoine Carême dans son Art de la cuisine française en propose 41 recettes et quelques décennies plus tard Auguste Escoffier dans son Guide culinaire évoque 189 préparations différentes. Parmi elles, notre fameuse sole normande. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, celle-ci n’est pas née sur la côte d’Albâtre ou de Nacre. C’est à Paris, en 1837 très précisément, que cette recette a été imaginée par Langlais, le chef du Rocher de Cancale. Des moules, des crevettes et surtout une sauce à la crème, il n’en fallait pas plus au chef parisien pour qualifier sa sole de « normande ».

Si toutes ces préparations ont leur intérêt, la sole est souvent la meilleure et donne toute sa finesse dans les recettes les plus simples. Elle est délicieuse juste poêlée, avec un filet de citron et un tour de moulin à poivre.

Le conseil du caviste
Trois questions à... José Rato, chef du Réverbère à Rouen

José Rato et Brice Wandji s’activent, même pendant le couvre-feu
José Rato et Brice Wandji s’activent, même pendant le couvre-feu

À Rouen et même au-delà, le Réverbère est un restaurant bien connu. José Rato, aux fourneaux depuis toujours, aime les produits de saison qui respirent l’authenticité. Pendant le couvre-feu, avec son second Brice Wandji, ils continuent de préparer des plats à emporter.

Qu’est-ce que la sole représente pour vous ?

José Rato : « Je suis amoureux de la sole, c’est une chair particulièrement fine. Et je préfère les grosses soles aux petites. Marcel Ribeiro, le patron de Bely marée à Dieppe, mon fournisseur depuis longtemps, le sait bien. Il y a une tradition qui dit qu’il faut laisser reposer la sole quelques jours pour qu’elle soit moins dure. Mais les soles, même les plus fraîches, ont déjà vingt-quatre heures quand elles arrivent sur les étals et c’est souvent suffisant. La pêche à la sole est restée une pêche très artisanale. Ce sont toujours de petits bateaux, les trémailleurs, spécialisés dans les poissons plats, qui partent pour la journée. Le grand port pour les soles chez nous, c’est Fécamp. »

Comment aimez-vous la cuisiner ?

« J’aime la cuisiner simplement. On enlève la peau et la tête, et on la met dans une poêle avec un beurre noisette sans la fariner. Pour qu’il ne noircisse pas, je prépare le beurre noisette avec du vinaigre et non du citron. Pendant la cuisson, je l’arrose régulièrement. C’est seulement après cuisson que je lève les filets. Si l’on veut, on peut ajouter dessus une tranche de lard, mais ce n’est pas la peine de trop en faire. Si c’est une grosse sole, j’aime bien la servir en taillant les filets en petites goujonnettes, c’est-à-dire en lamelles de 2 cm environ, découpées en biais le long du filet. Je les cuis dans une poêle avec un mélange d’huile et de beurre après les avoir saupoudrées de farine de maïs grillé. Avec quelques pommes de terre, c’est parfait. »

Utilisez-vous les arêtes et le reste de la sole après avoir levé les filets ?

« Évidemment, car cela donne le meilleur des fumets de poisson. Par exemple pour faire une sole dieppoise, on fait le fumet avec les arêtes et la tête. On cuit le filet dans du fumet que l’on a filtré avec du champagne, un peu d’échalote et clou de girofle. Il ne faut pas le cuire trop longtemps. Je la laisse “vert-cuit”, c’est-à-dire que je sors à mi-cuisson et laisse réduire le reste de la sauce avant d’ajouter la crème. Pour servir, je nappe le filet avec cette sauce. Avec les arêtes, il y a une ancienne recette qui consiste à les frire. C’est le seul poisson avec lequel on peut faire ça. »

trucs et astuces

Savoir la préparer

Les poissonniers lèvent volontiers les filets. Mais si l’on veut utiliser toute la sole, pour faire un fumet avec la tête et les arrêtes, on peut apprendre à parer les filets.

On écaille la sole en la grattant avec un couteau de la queue vers la tête. Avec des ciseaux, on coupe la queue et les nageoires, on dégage la peau avec un couteau fin au niveau de la queue puis on tire doucement la peau. On refait l’opération de l’autre côté.

Ensuite du côté de la peau noire, on incise le long de l’arrête centrale, et avec un couteau souple, on soulève la chair en découpant avec la lame au plus près des arrêtes. On recommence pour chaque filet. Et en cas de difficulté, il y a des tutoriels sur Internet.

santé/ bien-être

On aurait tort de se priver

Avec 150 g de sole pour une personne, ce qui est une proportion raisonnable, l’apport est de seulement une centaine de calories, mais aussi du fer, du potassium, du phosphore et des vitamines B en tout genre. La sole est donc un poisson maigre et ce n’est pas la peine de forcer sur la crème pour qu’elle soit bonne.

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