Mort de François Bott, fondateur du « Magazine littéraire » et ex-directeur du « Monde des livres »

Francois Bott chez lui en 2011 à Paris.

Francois Bott chez lui en 2011 à Paris. BALTEL/SIPA

Il s’est éteint à l’âge de 87 ans, laissant derrière lui une trentaine d’ouvrages, dont « Vel’ d’Hiv’ », « Gina » et « Il nous est arrivé d’être jeunes ».

Nous apprenons ce jeudi 22 septembre la mort de François Bott. Né en 1935 à Laon, ce romancier, essayiste, journaliste était entré à « France-Soir » en 1958, avait fondé le « Magazine littéraire » en 1967 et dirigé le « Monde des livres » durant dix ans. Il avait notamment signé « Gina » (La Table Ronde, 2008), un texte poignant sur la mort de sa mère, et « Vel’d’Hiv » (Cherche-midi, 2008), récit de l’amitié entre deux enfants stoppée net par la rafle des 16 et 17 juillet 1942 par la police française. Son dernier livre, « Un amour à Waterloo » (La Table ronde, 2020) mettait en scène une histoire d’amour cristallisée autour d’une passion pour Napoléon. Nous republions la critique de Jérôme Garcin parue à ce moment-là.

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Article paru dans « L’OBS » du 23 avril 2020.

Dans cet impérial recueil de nouvelles, on ne trouvera ni cognac 1811, ni eau de Cologne Sainte-Hélène, ni gril Prestige, ni jeu d’échecs campagne de Russie, mais Napoléon se décline toutefois de manière diffuse et obstinée. il donne son nom à un motel planté dans le désert du Nevada et accueille, dans un petit hôtel londonien, près de la station de métro Waterloo, des amours clandestines. Il s’inscrit au programme de la licence de lettres, sous le titre : « Le romantisme et la France de Napoléon », quand il ne se flatte pas d’avoir inspiré, à un professeur de la sorbonne à la retraite, une « detective story » sur les écrivains fascinés par l’empereur des Français, de Chateaubriand à Bloy, de Hugo à Malraux, de Dumas à Delteil et de Hegel à Zweig. il se prolonge encore, de manière pugilistique, avec son neveu, le prince Pierre Bonaparte, flambeur, cavaleur et tueur, qui joua les pistoleros en nouvelle-Grenade et aurait servi de modèle à Fabrice del Dongo. De ce Bonaparte-là, qui tâta même de la conciergerie, François Bott dit qu’il n’était pas « une belle âme ».

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L’auteur de « Avez-vous l’adresse du paradis ? », biographe de Radiguet et de Vailland, sait de quoi il parle. Avec le nom de Napoléon, le mot « âme » revient en effet plusieurs fois dans chacune de ses nouvelles. A 84 ans, il peut s’enorgueillir d’en connaître le poids – 21 grammes –, les états, la force, la charge, les vagues et les « fêlures ». Vendre son âme au diable, la perdre, la fendre ou la rendre sont devenus pour lui des verbes familiers, qu’il décline à tous les temps. Somme toute, François Bott est ce que Jean Dutourd appelait, pour désigner Stendhal, une « âme sensible ». Le fondateur du « Magazine littéraire » et ex-directeur du « Monde des livres » le prouve dans ce petit livre d’une délicatesse d’un autre temps, où un universitaire vieillissant, ex-trotskiste reconverti dans le bonapartisme, s’éprend de sa jeune assistante, Marianne, qui, elle, a « une âme », et dont la conviction est qu’« il faut être diplomate avec ses propres sentiments ».

Où un aïeul se vante moins d’avoir participé au siège de Sébastopol avec les troupes de Napoléon III que d’y avoir rencontré Constantin Guys, le peintre préféré de Baudelaire, et d’où naquit « une amitié de bivouac ». Où un ancien Gi, qui débarqua à Omaha Beach et en réchappa, consacra le reste de sa vie, pareillement fan de Spinoza et de Louis Armstrong, à enseigner la philo et à jouer du piano dans des clubs de jazz. Où on croit pouvoir effacer ses crimes au casino de Deauville, ce « paquebot de la dernière chance », et part pour Nice en taxi, afin d’y consulter une cartomancienne. Où l’on apprend enfin que « les Français aiment faire la révolution, mais pas à l’heure de la sieste » et que « les hommes font la guerre pour se consoler de leurs chagrins d’amour ». On voit par là que, teinté de mélancolie, patiné par le temps et serti de formules brillantes, ce petit livre a une vraie grandeur d’âme.

Un amour à Waterloo, par François Bott, La tabLe ronde, 128 p., 14 euros.
◗ Réédition : Il nous est arrivé d’être jeunes, croquis littéraires, par François Bott, La tabLe ronde, coll. «  La petite Vermillon », 272 p., 8,10 euros.

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