Chronique scientifique sur le flétan par le Musée du Fjord

Chronique scientifique sur le flétan par le Musée du Fjord

8 mars 2022

Le flétan blanc et la famille des pleuronecti… quoi?

Le flétan de l’Atlantique appartient à la famille des pleuronectidés. Ce mot est composé à partir de pleuronecte et d’‑idés, tiré du grec eidos « forme, apparence ». Le nom scientifique de la famille des pleuronectes dérive des mots grecs plèvre « côté » et nekton « natation ». Il désigne « les nageurs d’un côté » en raison de la conformation physique particulière de ces poissons plats qui nagent, pour la plupart, avec le côté gauche (aveugle) tourné vers le fond et le côté droit (oculaire) tourné vers la surface. En raison de cette posture, au cours du développement larvaire, l’œil gauche migre vers l’œil droit pour éviter d’être poncé au contact avec le fond. Le flétan de l’Atlantique n’est coloré que du côté oculaire. Cette couleur va du brun verdâtre au marron très foncé. Son côté aveugle est en général blanc, surtout chez les jeunes. Par conséquent, il est aussi appelé flétan blanc, mais le côté aveugle peut se marbrer de gris, voire de rouge-cerise, quand le flétan avance en taille et en âge. Contrairement à lui, le turbot (flétan du Groenland) a le côté aveugle (sans œil) grisâtre.

Le flétan (Hippoglossus hippoglossus) peut atteindre plus de 2,5 mètres (8,2 pieds) de long et peser plus de 300 kilogrammes (660 livres), ce qui en fait le poisson de fond de l’océan Atlantique le plus grand. Dans le fjord du Saguenay, quelques spécimens de taille impressionnante ont été capturés accidentellement au cours des dernières années, dont un de 5,5 pieds (1,7 mètre) pesant de 150 à 175 livres (70 à 80 kilogrammes) en 2018.

Le flétan de l’Atlantique possède une grande bouche et est armé de nombreuses dents pointues et incurvées. Outre la taille et le côté aveugle blanc, il se distingue de la plupart des autres espèces de poissons plats par sa nageoire caudale (queue) plus échancrée, dite aussi concave ou fourchue.

Un poisson des profondeurs

Le flétan de l’Atlantique est une espèce démersale, c’est-à-dire qui vit près du fond sans pour autant y vivre de façon permanente. Le terme a été construit à partir du latin demersus, participe passé du verbe demergere qui signifie « plonger ». Le flétan affectionne une température entre 3 et 5 °Celcius. Des études menées au large de la Nouvelle-Écosse et au sud des Grands Bancs de Terre-Neuve démontrent que le plus grand nombre de flétans se trouve dans les bras de mer qui longent les bancs et le bord du plateau continental, à des profondeurs allant de 200 à 500 mètres (655 pieds à 1,7 kilomètre). La tranche d’eau où vivent les plus grands spécimens est plus importante que pour les plus petits flétans. En outre, les flétans les plus grands descendent dans des eaux plus profondes en hiver.

Une alimentation riche en oméga-3 😊 🦐🐟

Grâce à l’analyse du contenu des intestins du flétan, on constate que ses principales proies sont démersales et benthiques (qui vivent aussi sur les fonds marins, mais qui n’ont pas la capacité de vraiment nager). En grandissant, un flétan délaisse peu à peu les invertébrés pour se nourrir de poissons. Les petits flétans (< 30 centimètres) se nourrissent de bernard-l’hermite, de crevettes, de petits crabes et de mysidacés (semblables à de petites crevettes), alors que les plus grands (plus de 70 centimètres) se nourrissent de poissons plats (par exemple la plie canadienne), de sébastes et de gadidés (par exemple les goberges et les morues).

En milieu naturel, le flétan de l’Atlantique vit de 30 à 35 ans, parfois davantage!

Selon les études au large de la Nouvelle-Écosse et au sud des Grands Bancs de Terre-Neuve, mâles et femelles grandissent à la même vitesse pendant sept ou huit ans (environ 100 centimètres), après quoi la croissance du mâle ralentit, tandis que la croissance de la femelle continue jusqu’à 20 ans. La taille maximale d’une femelle (200 centimètres) est bien supérieure à celle d’un mâle (140 centimètres). Il n’a pas encore été établi où et quand le flétan fraie, mais, selon certains pêcheurs, il fraierait en eaux profondes (300 à 700 mètres) pendant les mois d’hiver, soit de décembre à mars. Le flétan de l’Atlantique est un poisson qui vit longtemps, au moins jusqu’à 50 ans, ce qui est un facteur important à prendre en compte pour la gestion des pêches. Vous pouvez obtenir plus de renseignements sur cette étude sur le sous-site du site Web de l’Institut océanographique de Bedford, Otolith Research Laboratory (Laboratoire de recherche sur les otolithes).

Pêche scientifique au flétan

Depuis 1998, un moratoire sur la pêche récréative du flétan atlantique s’applique pour tout l’Est canadien en raison des enjeux de contrôle de l’effort de pêche et de disponibilité de la ressource. Au cours des hivers 2022 et 2023, Pêches et Océans Canada approuve un projet de pêche hivernale du flétan de l’Atlantique à des fins scientifiques dans le fjord du Saguenay. Le projet est mené par le Comité de bassin de la baie des Ha! Ha! (CBBH) et inclut plusieurs partenaires, dont le Musée du Fjord, Pêches et Océans Canada, Contact Nature, Ville de Saguenay, l’Organisme de bassin versant du Saguenay et Promotion Pêche. Il permettra d’acquérir des connaissances scientifiques additionnelles sur l’espèce et sa présence dans le fjord du Saguenay. Ce projet a lieu à l’intérieur des saisons régulières de pêche récréative hivernale du poisson de fond et nécessite la participation de pêcheurs préalablement sélectionnés. Toute pêche scientifique se doit de respecter un protocole standardisé et de répondre aux normes de ce type de travail de recherche. Cela permet d’obtenir des données uniformes, fiables et utilisables qui mènent à des résultats probants. Par exemple, l’effort de pêche doit être quantifiable et, en ce sens, il n’est pas permis d’avoir plus d’une canne, et la ligne morte (sans surveillance) est interdite. De plus, afin de permettre une reproduction avant la capture, les flétans de moins de 85 centimètres doivent être remis à l’eau.

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