Mer du Nord: la pollution "scandaleuse" et préméditée des géants du pétrole

C’est une pollution fantôme qui pourtant risque de coûter gros. Les plateformes d’extraction de gaz et de pétrole laissées à l’abandon dans la Mer du Nord sont une véritable menace pour l’environnement. Explications.

Plateforme pétrolière
© Belga Image

Elles sont situées au large de nos côtes, en eaux internationales ou dans la partie britannique de la Mer du Nord. Elles s’appellent Brent Bravo, Delta ou encore Charlie, sont détenues par Shell. Elles ont été installées pendant les années 70, à l’époque où cette partie de la mer du Nord était le poumon pétrolier de l’Europe.

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Mais plus de quarante après, les puits se sont taris. Et ces monstres de fer n’ont plus été entretenus depuis belle lurette. Alors qu'elles s’étaient engagées en 1992 à ne rien laisser sur place, force est de constater qu’à l’heure actuelle, les industries font les autruches.

Une entreprise coûteuse et complexe

C’est que démanteler ces plateformes d’extraction de gaz et de pétrole est loin d’être aussi simple qu’il n’y parait. Déjà, cela représente un coût astronomique. « Nous estimons la facture totale entre 100 et 150 milliards de dollars au cours des trente prochaines années, explique Martha Vasquez, du Boston Consulting Group dans les lignes de Les Échos. Le montant final reste hautement incertain car c'est une activité récente et beaucoup dépendra de la capacité des acteurs à réaliser des économies d'échelle. »

Et puis, d’un point de vue purement logistique, les opérations de démantèlement sont plus que complexe. C’est une tâche titanesque. Il faut en premier séparer les plateformes de leurs « jambes » qui les ancrent au fond de la mer. Il faut ensuite scier les jambes, transporter le tout jusqu’à terre avec des navires dédiés, et là seulement le démontage, le recyclage et le traitement des matériaux dangereux peuvent être entamés. Un long et fastidieux processus auquel il faut également rajouter les opérations sous-marines.

A cela, s’ajoute un problème plus général : la plupart de ces stations n’ont pas été conçues pour être démantelées. « Elles peuvent peser jusqu'à 600.000 tonnes, souligne pour Les Échos Paul Main, analyste du cabinet Wood Mackenzie. Dans les années 1970 et 1980, les plateformes n'étaient pas conçues en vue d'être démantelées, ce qui explique la complexité et le coût des opérations dans certains cas. »

Un véritable danger pour l’environnement

Face à l’inaction des industries qui n'ont pas tenu leurs promesses, les associations de protection de l’environnement tirent sur la sonnette d’alarme. C’est le cas de Greenpeace notamment qui, en 2019 déjà, s’attaquait au géant pétrolier Shell. Le nœud du problème ? Quatre plateformes contenant près de 11 000 tonnes de pétrole que l’entreprise laisse complétement à l’abandon et qui se détériorent en polluant grandement l’environnement.

Pour Christian Bussau, l'un des militants de Greenpeace, "le projet de Shell de laisser des parties de quatre plateformes du champ de Brent en mer constitue "un scandale qui va à l'encontre des accords internationaux pour protéger l'environnement".

Interrogé par la RTBF sur le sujet, l’ONG détaille les risques que cet abandon représente : «lci, le plan est de les laisser dans la mer. De ne pas les ramener à terre. Mais dans quelques centaines d'années ces structures en béton vont se briser et tomber en morceaux dans la mer. Alors, tous les déchets toxiques qui y sont contenus vont entrer dans l’environnement et cela va être catastrophique."

Et encore, il ne s’agirait que du danger visible. Le réel enjeu, il se passe sous l’eau. Dans les fonds marins, de nombreux puits non-rebouchés laissent s’échapper du méthane, un gaz 28 fois plus néfaste pour la planète que le CO2. Et les émissions se comptent en dizaine de milliers de tonnes. On compterait environ 15 000 puits abandonnés en Mer du Nord. Une catastrophe invisible contre laquelle il est bien difficile de lutter...

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