Philippe Garrel, réalisateur français de renom est accusé par cinq comédiennes de chantage sexuel contre un rôle

  • Le réalisateur est aujourd'hui mis en cause par cinq femmes.
    Le réalisateur est aujourd'hui mis en cause par cinq femmes. dpa - Gerald Matzka
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Dans une enquête publiée par Médiapart ce 30 août 2023, plusieurs femmes ont témoigné pour dénoncer le comportement du réalisateur Philippe Garrel. Elles l'accusent notamment de leur avoir fait des propositions sexuelles en échange de rôles dans ses films.

Réalisateur très connu dans le milieu du cinéma indépendant français, Phillipe Garrel est le fils de l'acteur Maurice Garrel. Se définissant comme "un disciple de Jean-Luc Godard" ses films sont pour la majorité, des œuvres contemplatives inspirées de sa propre vie. Père des acteurs Louis, Esther et Léna Garrel, le cinéaste de 75 ans est aujourd'hui accusé par cinq femmes d'avoir eu des gestes déplacés et de leur avoir fait des propositions sexuelles en échange d'un rôle. 

"Je ne suis qu'un tas de viande"

Après avoir tourné dans l'un de ses films en 2017, Jeanne 27 ans, est rappelée par Philippe Garrel l'année d'après pour un rôle dans son prochain film. Il la rappelle un an après pour lui proposer un rôle dans son film. La jeune femme est enthousiaste. Mais lorsqu'elle arrive au rendez-vous, le réalisateur lui annonce qu'il a réservé une chambre d'hôtel. Croyant à une plaisanterie au début, Jeanne lui répond qu’il y a "erreur sur la personne" et qu’elle veut "bien discuter boulot mais que c’est tout", explique-t-elle à Médiapart.

Plus tard, à la terrasse d'un café, le réalisateur lui aurait caressé les cuisses. La jeune femme l'a alors repoussé et lui a demandé d'arrêter. Insistant pour la raccompagner, Philippe Garrel aurait tenté de l'embrasser dans le métro. La jeune femme a expliqué "être tombée de haut" et s'être sentie comme "un tas de viande". Elle a bien essayé de le signaler en 2019, en vain. 

Questionné par Médiapart sur cette histoire, Philippe Garrel a expliqué qu’il avait : "eu le sentiment qu[’ils étaient] attirés l’un par l’autre". Il a ajouté : Je suis désolé d’avoir mal interprété son ressenti (...). Je tiens par ailleurs à m’excuser si ma tentative de séduction, déplacée ou maladroite, a pu la blesser."

"Je n'ai jamais donné de faux espoirs professionnels à une comédienne en vue de la séduire"

Clotilde Hesme élève au Conservatoire de Paris, s'est souvenue que le réalisateur l'humiliait durant le tournage du film "Les amants réguliers". Notamment en la surnommant "L'inceste" car "l’histoire d’amour était entre son fils et moi sur le film" explique-t-elle. Le réalisateur lui, a démenti tout propos en déclarant ne pas comprendre "grand-chose à cette assertion", explique Mediapart.

La comédienne et metteuse en scène Laurence Cordier l'a elle aussi connu au Conservatoire. Elle raconte que le réalisateur l'aurait invité à faire une promenade en 2003 pour discuter d'un rôle. Il lui aurait alors proposé de lui "payer l'hôtel" en la prenant par la taille. La jeune femme serait restée sidérée : "C’était horrible, je me sentais humiliée" et "J’avais la sensation de m’être fait avoir". 

Philippe Garrel lui, a expliqué ne se "souvenir de rien précisément" en présentant ses excuses et soulignant qu'il n'a : "jamais donné de faux espoirs professionnels à une comédienne en vue de la séduire."

"Je ne peux pas faire le film si je ne couche pas avec toi"

Avant de devenir actrice, Marie Vialle était également l'élève de Philippe Garrel au Conservatoire de Paris. Elle raconte que ce dernier lui aurait proposé d’"écrire un film pour elle". Après plusieurs rendez-vous professionnels, il aurait tenté de l'embrasser. La jeune femme l'aurait alors repoussé, ce à quoi le réalisateur aurait répondu : "Je ne peux pas faire le film si je ne couche pas avec toi". Il a notamment précisé qu'il était "amoureux d'elle" en insistant sur le fait qu'il avait besoin de la connaître "pour de vrai" pour réaliser son film. "Écœurée", Marie Vialle avait abandonné l'idée de faire le film.

Interrogé par Médiapart, Phillipe Garrel a expliqué être tombé amoureux de la jeune femme : "Je me souviens lui avoir expliqué que, comme beaucoup de réalisateurs de la nouvelle vague, j’aimais tourner avec la femme dont j’étais amoureux et la filmer." Il a évoqué avoir eu des "sentiments réels" pour Marie Vialle mais qu'il ne s'est "pas rendu compte" du chantage qu'il exerçait sur elle : "Si j’ai blessé Marie Vialle, pour laquelle j’ai beaucoup de respect, j’en suis désolé."

Agnès, une ancienne actrice, a aussi vécu cette situation. Elle a évoqué une : "séduction immédiate de la part" du cinéaste lors d'un rendez-vous professionnel en 2014.  Elle rêvait de jouer dans l'un de ses films mais raconte qu' "Il y avait toujours cette promesse du rôle si je me dévoilais à lui. Je disais non et je minaudais en même temps." La jeune femme a alors décidé de ne pas le revoir.

Le réalisateur l'a appelé pour qu'elle retire son témoignage

Anna Mouglalis raconte elle aussi avoir connu Philippe Garrel au Conservatoire de paris. Après son rôle dans "La jalousie", le cinéaste l'aurait contacté pour un nouveau rôle autour du "désir féminin" en 2014. Le rendez-vous avait été fixé chez la jeune femme car elle le considérait comme "une figure paternelle".

Seulement, elle explique que le réalisateur serait couché sur son lit et l'aurait invité à le rejoindre. Après qu'il ait insisté plusieurs fois, la jeune femme lui aurait appelé un taxi. Un comportement "insultant" selon elle et que Philippe Garrel a contesté. Il a évoqué un malaise, qui l'aurait poussé à s'allonger une vingtaine de minutes, a affirmé que ce n’était pas un rendez-vous professionnel et qu’il n’avait eu "aucun geste ambivalent à son endroit".

Ce 24 août, Anna Mouglalis a expliqué que le cinéaste l'aurait appelé pour demander de "retirer son témoignage", "au nom de leur amitié" qui pour elle n'était qu'une relation professionnelle. D'après Philippe Garrel, il ne voulait que discuter "des accusations qu’elle avait portées contre lui."

Selon Médiapart, le réalisateur évoque aujourd'hui une remise en question : "À la lecture de tous ces témoignages, je réalise la différence entre ce que j’imaginais alors et ce que je leur ai fait vivre. J’avais déjà pris conscience de la culture qui m’a façonné, et cela a ouvert en moi une remise en question."