Depuis la parution d'Hygiène de l'assassin en 1992, Amélie Nothomb est l'une des autrices, hommes et femmes confondus, les plus incontournables de la la littérature francophone. Prolifique, la Belge détonne et ose, entre style hors-norme et thématiques taboues. Portrait d'une femme acclamée, qui a pris l'écriture pour seul repère.

Une enfance instable

Fabienne Claire Nothomb de son vrai nom, naît à Kobé au Japon le 13 août 1966, dans une famille issue de la noblesse belge. Son père est un grand diplomate, son grand-père un homme politique belge de renom, et son arrière grand-père fut, comme elle, écrivain. Elle grandit au sein d'une famille aux convictions et traditions catholiques, religion qu'elle revendique elle aussi.

Ses parents déménagent pour le travail de son père au Japon peu de temps avant sa naissance. À peu près tous les trois ans et durant toute son enfance, elle doit suivre son père dans ses déplacements. La Chine, le Bangladesh, Laos, la Birmanie... Tant de voyages qui la forgent, mais sont, aussi, déstabilisants. Chaque fois, elle doit recommencer de zéro : trouver de nouveaux repères, de nouveaux amis, découvrir de nouvelles coutumes...

Elle estime aujourd'hui que son amour pour la littérature et l'écriture découlerait directement de "cette apocalypse", qu'elle devait revivre constamment. Car qu'importe où elle se rendait, le langage lui apparaissait être le seul dénominateur commun. De cette époque, elle retient : "Ça a créé en moi une grande angoisse, à ce jour, jamais résolue".

Vidéo du jour

Vers 17 ans, elle retourne vivre en Belgique, encore une fois sans vraiment en avoir le choix. Là-bas, elle doit s'habituer à une culture occidentale qu'elle a très peu connue et subit un "manque du Japon". Elle explique dans le documentaire Amélie Nothomb, Une vie entre deux eaux : "J'ai longtemps cru que j'étais nippone. Mais ce qui m'a fondée, ce n'est pas le Japon, mais le manque du Japon."

En Belgique, Amélie Nothomb obtient une licence en philologie romane à l'Université libre de Bruxelles.

Premiers succès 

Toujours à 17 ans, Amélie Nothomb commence à écrire un premier roman. Un travail long de deux ans, pour un roman qu'elle décrit comme une tâche très fastidieuse. Lors d'une interview, elle explique qu'au début, elle "écrivait simplement ce qu'(elle) pouvait". Écrire lui permet, dit-elle, de ressouder son âme et son esprit.

Après plusieurs années à souffrir d'une extrême anorexie, elle juge que cette pratique l'a sauvée. Plus elle écrivait, moins elle éprouvait de problèmes avec son corps et la nourriture, confie-t-elle aux médias. Elle évoque également cette anorexie, bien plus tard, dans Biographie de la faim.

Après quelques années en Belgique, elle retourne à ses 21 ans vivre au Japon. Un pays qu'elle affectionne encore énormément aujourd'hui. En 1994, alors qu'elle a 25 ans, elle parvient à faire publier son premier roman, Hygiène de l’assassin, aux éditions Albin Michel. Aujourd'hui encore, elle publie ses romans à la même maison d'édition : "J'ai l'impression d'être Robinson Crusoé, très bien sur l'île Albin Michel", expliquait elle il y a quelques années à l'Express.

Ce premier roman, Hygiène de l’assassin, pourtant pas si révolutionnaire sur le papier et tiré à seulement 5.000 exemplaires, parvient tout de même à marquer les esprits, alors qu'elle est encore totalement inconnue du grand public. Sûrement parce qu'Amélie Nothomb détient un style unique. 

Cette prouesse, elle parvient à la reproduire les années suivantes, puisqu'elle décide dès ses débuts de faire paraître un roman par an. Elle dit pourtant en écrire trois ou quatre chaque année à La Libre Belgique. Mais ces autres romans, elle fait tout pour qu'ils ne sortent jamais et restent secrets, a-t-elle raconté.

Écrire autant de romans semble anodin venant de l'écrivaine, puisqu'elle a expliqué à de nombreuses reprises ressentir la nécessité d'écrire "au moins quatre heures par jour", "toute l'année", depuis qu'elle a commencé il y a plus de vingt ans.

Star de la littérature

Cinq ans après son premier succès, elle révèle Stupeur et tremblements. Le livre est plébiscité et propulse l'autrice à l'échelle nationale, mais aussi à l'internationale. Grâce à lui, elle reçoit le grand prix du roman de l'Académie française et suscite en effet l'intérêt des lecteurs à l'étranger. Il est encore aujourd'hui son plus gros succès avec plus de 500.000 exemplaires vendus.

Il lui permet de compter parmi les plus grands. À ce jour, Amélie Nothomb est traduite dans plus de 40 langues.

Fréquemment, elle raconte être comme "enceinte de ses romans", et explique que chaque parution est un exercice particulièrement éprouvant pour elle. On lui compte 27 romans, souvent à caractère autobiographique.

Tous sont plus ou moins reconnus par la critique et attendu comme un événement à chaque rentrée littéraire. Elle a reçu de nombreuses récompenses : elle a été nommée commandeur de l'ordre de la Couronne en Belgique, et possède le titre de baronne.

Depuis 2015, elle est membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique pour "l'importance de l'œuvre, son originalité et sa cohérence, son rayonnement international ".

En 2019, elle publie Soif, son oeuvre la plus importante selon elle. La jeune femme ose effectivement s'imaginer dans l'esprit de Jésus Christ et raconte à la première personne ce qu'il aurait pu penser, de son procès à sa résurrection. Un projet choc, qui lui vaut de nombreuses critiques. À celles-ci, elle répond dans Le Soir : "Je suis ce que je peux être. Je ne maîtrise pas ce que je suis et encore moins les regards que les autres posent sur moi". Il ne s'agissait pas d'ailleurs de sa première polémique, puisque les sujets qu'elle traite sont souvent particulièrement tabous. 

Je suis ce que je peux être. Je ne maîtrise pas ce que je suis et encore moins les regards que les autres posent sur moi

Figure imposante de la littérature francophone, Amélie Nothomb est adulée et possède une forte communauté. Son style littéraire très facilement reconnaissable lui vaut de nombreux fans, tout comme son image gothique et l'habitude qu'elle prend à porter de nombreux chapeaux.

Pour ces raisons, certains disent d'elle qu'elle serait la Mylène Farmer de la littérature. Une comparaison qui la dérange, d'autant plus que certains de ses fans se montrent parfois intrusifs avec elle, rapporte l'Express : "Une lectrice m'a suivie une fois et m'a harcelée épistolairement pendant des années, me menaçant de sévices sexuels." racontait notamment l'autrice par le passé.

Mais cette excentricité, Amélie Nothomb est pourtant la première à l'entretenir. On se rappelle notamment quand, sur le plateau de l'émission Apostrophes, elle avait révélé à Bernard Pivot se nourrir de fruits pourris

Engagements 

Amélie Nothomb est aussi une femme de convictions. Depuis 2013, elle est présidente d'honneur du CRAC Europe, le "Comité radicalement anticorrida". Ces dernières années, elle s'est timidement exprimée sur des questions féministes, se reconnaissant sympathisante du mouvement Chiennes de garde contre le sexisme.

Elle a aussi pris la parole sur les troubles alimentaires, elle qui les a vécus de nombreuses années. Début 2018, elle aurait aussi fait pression sur son éditeur pour qu'il ne publie pas les mémoires de Jean-Marie Le Pen.

Enfin, Amélie Nothomb a subi un viol collectif lorsqu'elle avait 12 ans. Elle en parle brièvement dans Biographie de la faim, et s'est exprimée à ce sujet plusieurs fois par voie de presse, dans l'espoir de briser l'omerta autour des violences sexuelles. "Ma vie a totalement basculé, a-t-elle raconté au Monde en 2017. D’un coup, j’ai découvert la puberté, la violence, la haine de soi, la haine tout court, la fatigue et le froid. Autant de sensations qui m’étaient alors parfaitement inconnues."

Amélie Nothomb : sa vie privée

Amélie Nothomb n'est pas mariée et n'a pas d'enfant. À Europe 1, elle explique en 2015 avoir "toujours été drastiquement seule". Mais cela ne l'a empêchée d'avoir une vie amoureuse épanouie, même si elle l'a plutôt gardée privée. "J’ai une vie amoureuse" avait-elle rétorqué à un journaliste de Paris Match, qui estimait que le rythme d'écriture effréné de l'autrice devait être une contrainte pour sa vie sociale. 

Tout ce qu'on sait, comme elle l'assurait en 2017 à Femme Actuelle, c'est que l'écrivaine est "une grande amoureuse", et même "un bourreau des coeurs".