Jean Dujardin et Gilles Lellouche : l’infidélité

Pour être franche, « Les infidèles »* est un film qui laisse sur la femme un goût amer. A une exception près, l’épouse est une ombre qui s’appelle « chaton » et que les hommes trompent grossièrement. Les autres femmes, des corps interchangeables que les maris culbutent. Jean Dujardin et Gilles Lellouche, qui ont réalisé ce film à sketchs avec cinq autres réalisateurs (Emmanuelle Bercot, Fred Cavayé, Alexandre Courtès, Michel Hazanavicius, Eric Lartigau) expliquent qu’ils ont voulu décrire les hommes jusqu’à la veulerie, la lâcheté. Mais ont-ils cette vision binaire des femmes dans la vie ? Que pensent-ils du couple ? Pour eux, que signifie « tromper » ? Ils sont venus nous répondre un matin d’hiver.

  • Marie Claire : Pourquoi avoir eu envie de parler de l’infidélité ?

Jean Dujardin : L’idée, c’est de se foutre de nous. Avec les scénaristes on s’est dit : « Allez les gars, on y va, on se met autour de la table et on balance tout. » Parce que même entre mecs, c’est un peu tabou. Là on a tout dit. Avec quelques verres, ça aide. Tout le monde a balancé ses vieux dossiers.
Gilles Lellouche : C’est une sorte de cadavre exquis.

  • Comme dans le film, vous avez déjà essayé de coucher avec n’importe quelle femme, tellement vous en aviez envie ?

Gilles Lellouche : Non mais vous me prenez pour un labrador !

Et coucher pour coucher, ne pas être très regardant sur…
Gilles Lellouche : La marchandise.

… La femme.
Gilles Lellouche : Absolument pas, non.
Jean Dujardin : Pas à ce point. Il faut être charmé à un moment, non ? Il y a des « serial pineurs », je ne ­porte pas de jugement. Je conçois qu’on puisse être totalement ­accro au sexe. C’est même assez sain.

  • Pensez-vous que les hommes sont des bêtes ?
Vidéo du jour

Gilles Lellouche : C’est une bonne excuse. Il y a aussi des hommes qui ont une libido dingue et qui ne trompent pas.
Jean Dujardin : Parce qu’à un moment il y a une réalité : pour une infidélité, tu peux te faire jeter, tout perdre et être comme un malheureux.

  • L’infidélité féminine est-elle différente de l’infidélité masculine ?

Gilles Lellouche : De moins en moins.
Jean Dujardin : Je suis d’accord avec Gillou. En même temps, il n’y a pas trente-six façons de tromper. Tu trompes, point. Tu as une pulsion et tu t’arranges. En revanche, souvent les femmes se barrent, les hommes, non. Vous avez ce courage de partir. Vous le faites car vous tombez « en love ». Mais vous pouvez aussi vous faire un one shot à la sauvette !

  • Quand un homme trompe beaucoup sa femme, pourquoi ne la quitte-t-il pas ?

Jean Dujardin : Parce qu’il trouve l’autre moins bien que sa femme, parce qu’il a juste besoin que le corps exulte…
Gilles Lellouche : Par amour pour ses enfants ? L’âge entre aussi en ligne de compte. La panique du temps qui passe fait faire des conneries. Dans mon entourage, des copains partent en toupie, puis reviennent doucement. On se demande aussi : « Ai-je bien fait de construire avec cette femme ? » Tromper c’est aussi un fantasme, un refuge à plein de frustrations.

Jean Dujardin et Gilles Lelouche : l’amour et les femmes

  • Que regardez-vous en premier chez une femme ?

Gilles Lellouche:Son visage. Tout passe par là.
Jean Dujardin : Ce qu’elle dégage, son charme. Avant de focaliser sur la poitrine, les fesses, les jambes, je ressens quelque chose ou pas. La femme n’est ni un objet ni un tableau, elle est vivante.

  • Appeler sa femme « chaton », comme dans le film, c’est tendre ou mauvais signe ?

Jean Dujardin : C’est tendre. On veut être rassurés. C’est une petite chose, un chat dans un panier. C’est ton « chez toi ».
Gilles Lellouche : Et c’est complètement faux cul, car tu es capable d’appeler ta femme comme ça et de te masturber quatre fois de suite dans ta chambre d’hôtel, de coucher avec tout ce qui bouge.

C’est le paradoxe masculin.
Jean Dujardin : Vous avez l’entre-deux : « petit cul », par exemple. Une expression de tendre machisme que les nanas aiment bien, parfois. J’appelle d’ailleurs ma femme « petit cul » (Alexandra Lamy, ndlr).

  • Si je vous dis le mot « couple » ?

Gilles Lellouche : J’ai l’impression d’être aux «Infidèles anonymes », là… On est lundi matin, vous nous prenez un peu au dépourvu ! Joie, bonheur, respiration, prairie.
Jean Dujardin : Pour moi ce serait l’image de mes parents.

Ils sont toujours ensemble ?
Jean Dujardin : Oui.
Gilles Lellouche : Moi aussi j’ai eu cette chance. J’ai perdu mon papa, mais mes parents sont restés ensemble jusqu’à sa mort.
Jean Dujardin : Nos pères sont des pères des années 60, plus bourrins et moins proches de leurs enfants, mais ils étaient quand même là. C’était déjà ça : on savait que nos pères rentraient le soir et aimaient nos mères. Nous avons eu le confort d’avoir une famille unie.
Gilles Lellouche : Le couple, je ne peux pas m’en passer. Impossible pour moi de vivre seul. Mais j’ai besoin que ce soit vivant tout le temps. Le couple m’attire autant qu’il me fait peur. Il doit être un doux mélange entre du sûr, du sécurisant et du dangereux.

  • L’enfermement, cela vous fait-il peur ?

Gilles Lellouche : Oui. Je suis un grand flippé du temps qui passe. Quatre soirées DVD à la maison, et je me taille les veines.

  • Vous imaginez passer toute votre vie avec la même femme ?

Gilles Lellouche : Oui ! Dans notre métier, on se demande toujours si une femme est là pour vous ou pour ce que vous représentez. Je suis très rassuré d’avoir grandi au côté de ma femme (l’actrice Mélanie Doutey, ndlr). J’adorerais être avec elle toute ma vie. Mais j’aime aussi le couple pour l’idée que rien n’est gagné. Ni pour elle, ni pour moi.
Jean Dujardin : On n’est pas obligés de se dire des phrases définitives qui font peur. Moi je ne les dis pas. Je ne sais pas ce qui va se passer. Je ne veux pas jurer, comme à l’église.

Ce que Jean Dujardin et Gilles Lellouche pensent du mariage

  • Pourtant vous êtes marié, vous ?

Jean Dujardin : Je suis marié, mais pas religieusement. Je ne voulais pas de ce poids qui me tapait sur la conscience. Le mariageétait pour moi une fête, un décorum, mais l’engagement, il est entre Alex et moi. Il avait déjà été pris quand on tournait « Lucky Luke », dans une petite chambre d’hôtel à 3 000 m d’altitude. (Silence.) Je ne suis pas très mariage, mais je voulais le faire avec Alex. Avec elle, je n’ai pas besoin d’air.

  • La fidélité est-elle un effort, un combat ?

Gilles Lellouche : Ça arrive à tout le monde d’avoir un coup de cœur pour quelqu’un. De là à passer à l’acte, il y a un monde. J’ai un cerveau. Claude Lelouch a dit dans un film : « On est toujours cocu par le fantasme de l’autre. » C’est une réalité. Si vous ne faites pas l’amour à une femme, il y a toujours un moment où vous pouvez penser à elle et l’on est déjà dans du grinçant.
Jean Dujardin : La connerie, c’est de le dire. Et puis surtout : pour quoi faire ?
Gilles Lellouche : C’est juste pour déstabiliser l’autre et lui faire peur. Sinon, ça n’a aucun intérêt. C’est pour les pervers narcissiques.
Jean Dujardin : Oui, ce sont des mecs qui ont besoin d’avoir des secousses. Certains vivent dans l’esthétique de la douleur, de l’engueulade. On se trompe, on se tape, on se retrompe, des scènes à la Zulawski ! Moi je n’ai pas envie de vivre comme ça.

  • Vous préférez dire « baiser » ou « faire l’amour » ?

Gilles Lellouche : J’aimais bien dire « faire l’amour » à 20 ans, mais maintenant je préfère dire « baiser ». Parce que c’est ce que je fais.
Jean Dujardin : Moi j’ai l’impression qu’on baise toujours en faisant l’amour.
Gilles Lellouche : Alexandra va halluciner ! Elle va se demander : « Mais qu’est-ce qu’il raconte ? »
Jean Dujardin : Et j’aime dire : « Baise-moi », « Je veux te baiser ». En couple, c’est formidable. J’encourage les couples à dire : « Faut qu’on baise. »
Gilles Lellouche : Bon, je vais aller fumer une clope, moi !

  • Vous allez avoir tous les deux 40 ans…

Gilles Lellouche : Ce jour-là, je sais que je vais pleurer des larmes de sang.
Jean Dujardin : Moi, pas du tout. Je n’ai jamais été jeune. Enfant, j’ai toujours voulu être grand, toujours été vieux dans ma tête. Je n’ai jamais suivi les modes, ni été à la mode. J’accepte complètement l’idée de vieillir, comme j’accepterai d’être un vieux couple.

  • A quoi êtes-vous le plus accro dans la vie ? 

Gilles Lellouche : Au plaisir, à l’humour, à la joie.
Jean Dujardin : A l’angoisse. Je la fabrique. J’aimerais être détendu, mais tout bonheur est pour moi suspect. J’ai le bonheur un peu triste.