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Serge Gainsbourg à la bibliothèque du Centre Pompidou : requiem pour un grand lecteur !
Trente-deux ans après sa mort, Serge Gainsbourg a finalement accédé au nirvana de l’institutionnalisation.
Leemage via AFP

Serge Gainsbourg à la bibliothèque du Centre Pompidou : requiem pour un grand lecteur !

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Dans l'enceinte de la Bibliothèque publique d’information (Bpi) du Centre Pompidou à Paris, l'exposition « Gainsbourg, le mot exact » présente une partie de la collection de livres de l’artiste, ainsi que des manuscrits et tapuscrits de ses plus célèbres chansons.

Qui l’eût cru ? Trente-deux ans après sa mort, Serge Gainsbourg a finalement accédé au nirvana de l’institutionnalisation. Les néoféministes ont beau s’étrangler en écoutant Lemon Incest, Lio le traiter de « Weinstein de la chanson », ou Clara Luciani confier son « envie de le baffer » quand elle le voit insulter Catherine Ringer en 1986 à la télé, le musicien et auteur a bel et bien tamponné son ticket pour la postérité.

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Ce « Gainsbarre », autrement dit le Mister Hyde du Dr Jekyll Serge Gainsbourg, l’exposition a le grand mérite de ne pas le passer sous silence. Elle le considère comme le « double médiatique » du chanteur, un « personnage sorti tout droit de ses chansons, dans la lignée des doubles littéraires du XIXe siècle, du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde au Horla de Guy de Maupassant ». Un écran diffuse même l’émission 7 sur 7 de 1984 qui vit Gainsbarre le provocateur brûler un billet de 500 francs en direct à la télévision.

Jules César et « Télé 7 jours »

C’est en partie pour retracer la genèse de ce personnage contradictoire que la Bpi, la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, a voulu cet évènement. Pour l’abriter, un parallélépipède blanc d’une centaine de mètres carrés a été dressé à l’entrée de la bibliothèque. Sur ses murs figurent les titres des 550 chansons écrites par « l’homme à la tête de chou ». Une photo de notre hôte assis dans son bureau au premier étage du 5 bis rue de Verneuil accueille le visiteur. Elle jouxte une vitrine exposant quelques dizaines de livres extraits des rayonnages de ce domicile, devenu mythique, du VIIe arrondissement de Paris.

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L’inspiration littéraire du maître se trouve dans les pages de ces classiques de la poésie ou du surréalisme (Rimbaud, Artaud, Cocteau…), complétés par les Mémoires de Jules César, mais aussi, et c'est plus surprenant, par les prévisions astrologiques de Télé 7 Jours pour l’année 1983. Érotisme, amour romantique et dandysme se taillent la part du lion dans ses thématiques de prédilection.

Un rapport compulsif à l'écrit

Un peu plus loin, une vitrine montre les tapuscrits et manuscrits, abondamment raturés, de chansons comme Initials B.B.Cargo Culte ou Jane B. Trésors de cet accrochage, ils montrent les différentes étapes ayant mené à la création de ces standards made in France. Des casques audio permettent d’écouter des interviews données par l’auteur. Comme celle où il explique s’être inspiré des sonnets de José-Maria de Heredia pour écrire Cargo Culte. En continuant de fouler la moquette grise, on s’étonne devant le nombre de petits papiers conservés par le syllogomane Serge : autographe de Screamin’ Jay Hawkins, dessins d’enfants, messages de fans, cartes de clubs… témoignent « de son rapport quotidien, méticuleux et compulsif à l’écrit », confirme le livret de l’exposition.

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Au risque du fétichisme, sont aussi présentés des objets ayant appartenu à Gainsbourg : un service à liqueurs, ses fameuses chaussures Repetto, des gants, un parfum… Jusqu’à un exemplaire du Petit Larousse 1990 mis sous verre comme une relique. Plus intéressante est la projection d’Essai sur la naissance d’une chanson, court film d’Yves Lefebvre sur l’écriture et l’enregistrement d’Initials B.B en 1968. On quitte la bibliothèque du Centre Pompidou avec la confirmation que le Gainsbourg auteur n’avait rien à envier au Gainsbourg compositeur. Et avec la frustration que procurent les expos bien faites quand elles sont trop vite parcourues. Pour se consoler, il n’y a plus qu’à attendre le musée consacré à l’artiste, prévu au 5 bis rue de Verneuil. Malheureusement, sa date d'ouverture vient à nouveau d’être repoussée.

« Gainsbourg, le mot exact ». Jusqu’au 8 mai 2023 à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. Entrée libre.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne