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Attaques contre ses collègues et Yann Barthès : chez Hanouna, la sortie de route du député Quentin Bataillon
Le député du Loiret a provoqué de nombreux appels à sa démission suite à son passage sur C8.
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Attaques contre ses collègues et Yann Barthès : chez Hanouna, la sortie de route du député Quentin Bataillon

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Le président de la commission d’enquête sur les fréquences de TNT, Quentin Bataillon, a fait le drôle de choix de se rendre sur le plateau de TPMP, quelques jours seulement après avoir auditionné Cyril Hanouna, pour tirer le bilan de sa commission. Et attaquer l'animateur Yann Barthès, Némésis son hôte.

Quand on a un quart d’heure de gloire, c’est toujours tentant d’aller gratter cinq minutes de rab. Même si c’est chez Hanouna. Et puis passer à la télé, quand on est un député macroniste inconnu du grand public, ça ne se refuse pas. D’autant que c’est le sujet favori de Quentin Bataillon, jeune député élu dans la Loire, qui a dirigé pendant quatre mois la commission chargée de l’attribution des chaînes de la TNT, interrogeant tour à tour grands patrons de presse, animateurs, producteurs…

44 auditions n’auront pas suffi au trentenaire, il fallait qu’il aille rendre visite à Cyril Hanouna pour finir sa séquence médiatique de la plus belle des manières. Grand mal lui en a pris. Celui qui est encore président de la commission jusqu’au 7 mai prochain doit amèrement regretter les propos qu'il a tenus mardi 2 avril au soir sur la chaîne C8, appartenant au milliardaire Vincent Bolloré.

Pourtant, tout débutait sous les meilleurs auspices, avec les félicitations du jury hanounien, et un cadeau offert par le présentateur de l’émission phare de C8. Quelques minutes plus tard, pourtant, le présentateur attaque déjà la concurrence et se dédit : « Ici, on n’offre pas de cadeaux, ce n’est pas comme chez Quotidien ». Le député laisse causer, assis derrière la table, avec son paquet-cadeau devant lui.

Attaques contre ses collègues

Et le procès commence. C’est Gilles Verdez, chroniqueur régulier, qui porte la plume dans l'abcès, évoquant directement les rapports entre le président de la commission et son rapporteur, le député de La France insoumise Aurélien Saintoul : « Est-ce que vous le détestez ? » Semi-réponse du député Renaissance : « Il jouait son rôle. Il a un objectif politique. »

Mais la langue de bois cède vite sa place à la cavalerie. Quentin Bataillon relance sur l’attitude supposément incorrecte des députés de La France insoumise, qui ont provoqué la mise en place de la commission : « S’ils veulent une sixième république, ils assument vouloir détruire la cinquième république. »

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Alors qu’il revient au député de La France insoumise d’écrire le rapport qui sera issu des quatre mois de commission, ce sabotage en règle du travail de ses collègues passe mal dans les rangs du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Depuis la diffusion de la séquence, ils sont nombreux à appeler à la démission de Quentin Bataillon.

« Pitoyable. Bataillon est incapable de continuer à présider sereinement : il doit renoncer », tweete notamment Manuel Bompard. Même demande de la part du principal visé, Aurélien Saintoul, qui s’est fendu d’un communiqué : « M. Bataillon a manifestement voulu préempter le travail du rapporteur et instiller le doute sur la qualité du rapport encore à écrire. »

Barthès attaqué chez Hanouna

Mais Quentin Bataillon n'a pas seulement tapé sur ses collègues lors de son intervention. Après ce volet dédié à LFI, Guillaume Genton, chroniqueur, dirigeant officieux du fan-club de Cyril Hanouna, passe à la prochaine cible, régulièrement attaquée sur le plateau de Touche pas à mon poste : « Vous préférez Cyril Hanouna ou Yann Barthès ? » Le député fait mine d’esquiver, évoquant une obligation de neutralité qu’il souhaite maintenir... Avant de ne plus tellement la maintenir : « C’est la première fois que je me suis énervé. Il y a eu une attitude assez arrogante dès le début. »

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Barthès est un mauvais élève. Et le seul. Admettons. Alors qu’un chroniqueur croit utile d’en remettre une couche, en soulignant que le présentateur de Quotidien — émission concurrente de TPMP — était vêtu d’une polaire, et non d’un costume. Réponse du représentant de la Nation : « Je ne vais pas critiquer les tenues, je note qu’il était en costume cravate tous les jours sur son émission, pas forcément à l’Assemblée, ceci aurait pu être rattrapé par des vraies réponses à nos questions. » Comment l’idée de critiquer une personne auditionnée sur le plateau d’une autre personne auditionnée n’est pas apparue comme une erreur aux yeux du député ? Mystère.

De critique à fanzouze, il n’y a qu’un plateau

Et le trou d’air déontologique n’en finit plus d’être creusé, pendant cette séquence longue de 30 minutes où s’enchaînent les louanges pour le jeune macroniste, et les félicitations au grand chef Hanouna pour avoir pulvérisé les audiences habituelles de La chaîne parlementaire.

Une ambiance flatteuse d’autant plus étonnante qu’en janvier 2023, le même macroniste réagissait aux propos de Cyril Hanouna sur le service public avec la plus grande virulence : « La honte, Cyril Hanouna, c’est l’imposture de TPMP alliant démagogie et fausses informations. L’audiovisuel public joue un rôle essentiel pour l’information, la création et l’accès à des programmes de qualité. »

Le président serait-il tombé sous le charme du talent de Cyril Hanouna pendant ses travaux parlementaires ? « Mon regard a évolué sur l’émission, je ne dis pas qu’elle est parfaite, je ne dis pas que l’Arcom n’a pas eu raison de sanctionner, mais ce qui est très intéressant c’est que tout le monde a la parole. Il y a plusieurs avis différents, ce qui n’est pas forcément le cas partout […] Quand on suit une émission on a envie de la regarder le lendemain pour voir quel est le sujet. » Celui qui se décrit comme un « passionné » d’audiovisuel aurait-il soudainement oublié les nombreuses dérives de l’émission, sa propension à dérouler le tapis rouge aux idées (et invités) complotistes, clownesques ou d’extrême droite, son aversion pour les fake news ?

Un fanfaron à l’image de la commission

Alors que restera-t-il de cette commission qui a fait couler tant d’encre, et doit encore accoucher d’un rapport de plusieurs dizaines de pages ? La sortie médiatique de son président a-t-elle enterré les 44 auditions sous le flot des critiques ? En critiquant personnalités auditionnées et collègues de l’Assemblée, le député élu dans le Loiret a voulu se placer au-dessus de la mêlée, quitte à l’étouffer.

Au milieu de toutes les auditions intéressantes, n’ont triomphé sur les réseaux sociaux que les clashs, invectives, et questions orientées qui appelaient plus au retweet qu’à une réponse qui, de toutes façons, ne figurerait pas dans la vidéo TikTok espérée. Quentin Bataillon se place dans cette continuité. Pourtant, des députés membres de la commission, comme Jérôme Guedj, se sont fait remarquer par leur pédagogie et l’intérêt de leurs interventions, y compris sur le plateau de Cyril Hanouna.

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Mais la participation de Quentin Bataillon à l’émission de C8 semble tenir d'un tout autre intérêt. Gilles Verdez, qui n’est pourtant pas connu pour ça, lance une analyse plutôt lucide de l’invité star : « On a l’impression que vous avez pris goût à passer à la télé, à être sur les plateaux. […] On a l’impression que vous aimez ça. » Un autre intervenant régulier conclut : « Vous verrez, il ira loin, on en reparlera ! ». Moins élogieuse, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a rappelé son jeune collègue à l’ordre dans un communiqué, ce mercredi : « Tant que les conclusions d’une commission d’enquête ne sont pas rendues publiques [...] son président, comme son rapporteur et ses membres, doivent faire preuve de réserve et de discernement dans leurs prises de position et leurs expressions publiques » Moins de bla-bla donc... Et encore moins chez Hanouna.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne