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Johann Chapoutot : "Pour sauver le vivant, nous devons rompre avec certains éléments de notre modernité"
Johann Chapoutot.
Francesca Mantovani - Editions Gallimar

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Johann Chapoutot : "Pour sauver le vivant, nous devons rompre avec certains éléments de notre modernité"

Le grand entretien du jeudi

Propos recueillis par

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Professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne et spécialiste du nazisme, Johann Chapoutot publie avec Dominique Bourg « "Chaque geste compte". Manifeste contre l’impuissance publique » (Gallimard), un ouvrage de la collection Tract traitant de l'urgence écologique. Les deux universitaires demandent à nos dirigeants de réagir au plus vite afin d'éviter la catastrophe. Rencontre.

Marianne : Vous êtes un historien spécialiste du nazisme. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’écologie ?

Johann Chapoutot :J’ai travaillé sur l’idée de nature sous le IIIe Reich. J’ai publié en 2014 sur le sujet La loi du sang (Gallimard). Deux ans auparavant, en 2012, j’avais rédigé un article dans lequel je montrais que les nazis étaient tout sauf des écologistes, contrairement à ce que nous pouvons entendre parfois.

« Les nazis sont partie prenante de notre monde contemporain. »

Enfin, avec d’autres historiens, j’identifie dans le nazisme le déploiement des phénomènes structurels de notre modernité occidentale, qui ne sont pas apparus en 1933 et n’ont pas disparu en 1945, mais continuent à être structurants aujourd’hui.

Cette idée était déjà présente dans Libres d’obéir (Gallimard, 2020). Vous montriez les concomitances entre le management nazi et le management contemporain. En quoi ces structures modernes qui existaient également sous le nazisme expliquent notre crise écologique ?

Les nazis avaient une vision utilitariste des êtres et des lieux. C’est flagrant lorsque l’on s’intéresse à la manière dont ils concevaient l’être humain, l’individu, l’environnement ou l’espace. Ils considéraient tout individu, à commencer par les Allemands eux-mêmes, comme des fonds d’énergie dans lesquels il fallait puiser pour extraire de la valeur. Ils considéraient que le droit à la vie d’un individu allemand – je ne parle même pas des Slaves ou des juifs – était fonction de ce qu’ils appelaient sa performance, sa rentabilité ou son rendement. Il y a un mot unique pour la langue allemande pour désigner cela, le terme de « Leistung ». Pour eux, seule cette capacité à produire donnait à l’individu le droit d’exister ou de vivre. S’il était incapable de performance, l’individu devait d’abord être stérilisé.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne