L'aventure de l'art

Yankel, bienfaiteur du musée de Noyers

Yankel, bienfaiteur du musée de Noyers
Yankel : assemblage de portraits, destinés à une exposition estivale en Ardèche, où il s'était installé. (Collection Dinah Kikoine) © Yonne SUPPLÉMENTS
A quelques jours près, il aurait eu 100 ans. L'artiste Jacques Yankel, fils du peintre de La Ruche, Michel Kikoïne, a donné sa collection d'arts naïfs au musée de Noyers, en souvenir des étés heureux dans la vallée du Serein. La collection est rare en France et fait de Noyers l’un des trois musées majeurs d’art naif français, avec Nice et Laval.

Cet amour-là, des arts naïfs, populaires, forains, lui venait peut-être de loin. De l'enfance où un jour sa mère, épouse du peintre alors peu fortuné Kikoïne, tomba par hasard sur un Douanier Rousseau sorti d'une cave. De ces étés adorés à Annay-sur-Serein, où un dimanche chez le barbier, qui s'était installé au bistro, Jacques Yankel avait découvert une merveille, une fresque sur la cheminée.

A l’aune de ses 100 ans, en avril dernier, le peintre Yankel expliquait que c’est là qu’il avait eu son premier coup de cœur pour l’art populaire. C’était Mariette en train de tirer l’eau de la pompe du village… 

Quelques décennies plus tard, c'est en 1987 que Jacques Yankel donna un nouvel élan au musée de Noyers, par une donation de tableaux d'art naïf de sa collection. Comme un message d'amour au village, dont il espérait qu'il aiderait à consolider son visage artistique.

La vallée du Serein dans les années 1930

Il y avait eu ce temps béni de la vallée du Serein, dans les années 1930, où le père de Yankel, le peintre Michel Kikoïne, artiste de Montparnasse, séjournait dans sa maison d’Annay-sur-Serein chaque été. La vallée du Serein, c’était La Ruche de Montparnasse à la campagne, avec les peintres Soutine à Civry, Kremègne à Noyers, l'américain Morgan Russell à Aigremont… Yankel, disparu en avril, racontait la poésie de son enfance passée à La Ruche, en même temps que ces étés où les peintres de Montparnasse se retrouvaient dans la vallée du Serein.Jacques Yankel dans son atelier de la rue de la Cité universitaire à Paris (Collection Dinah Kikoïne)
 

Ouvert le 19 juillet 1987, avec une donation de 64 tableaux d’art naïf de la collection de Yankel, le musée rénové, dans l’ancien collège, n’a cessé de s’enrichir, grâce au peintre lui-même et grâce à d’autres donateurs, tels Jean-Marc Luce, ami de Yankel. 

Longtemps Yankel a fait le tour de France des marchés aux puces, à la quête de ces peintres de la tendresse, autodidactes, de cet ancien postier ambulant sur les chemins de fer qu’était Louis Vivien, de Camille Bombois, l’enfant de marinier bourguignon, peintre de jour et lutteur de foire la nuit...

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Les collections du musée depuis se sont enrichies. En 2001, d’un dépôt du Fonds national d’art contemporain d’une série d’œuvres antifascistes de Déchelette. En 2005, de 60 toiles d’art naïf de la collection de Jean-Marc Luce par le département. Des ex-voto du prêt de Jeannine et Jacques Geyssant, de la donation Jacques Lagrange, de la collection d’art populaire Selz-Taillandier, du Monde Villageois naïf et rêvé d’Albert Niedzvied, ou de 500 boîtes lithographiées de Serge Moreau...
Toute sa vie, Yankel, géologue et professeur aux Beaux-Arts, peintre et collectionneur d'arts naïfs autant que d'arts africains, a gardé ce regard tendre sur les anonymes, débordant de générosité et d'envie de partage. En impulsant la collection d'arts naïfs à Noyers, il en a fait le troisième du genre en France derrière Laval et Nice.

L'art contemporain aussi

Dans les années 90 qui suivirent l'essor du musée des arts naïfs, Noyers accueillit de très belles expositions contemporaines, initiées au centre d'art contemporain, place du Marché-au-Blé, par Jean-Claude Meinioux et Lionel Guillotin, dont l'une, Sauvage des villes, sauvage des îles, avec Fred Deux, Louis Pons, Mimi Parent, reste particulièrement dans les mémoires. On peut aussi citer Résonances en 2000, avec le peintre et musicien de jazz Daniel Humair et des pièces d'Afrique noire. Par ailleurs, le musée lui-même, en 1992, accueillit une superbe exposition Cartier-Bresson, dont les curateurs étaient Lionel Girard et Louis Deledicq. L'immense photographe a passé à Noyers les étés de son enfance. 

André Caillaud (au centre) fruit d'une donation récente par Jacques Yankel en 2018.


VISITES Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 heures à 18 h 30 en août. Septembre de 11 heures à 12 h 30 et de 14 à 18 heures. 


Nicola Edge

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