Comment ne pas évoquer France-Allemagne de Séville en 1982, à la fois le plus beau et le plus douloureux souvenir d’Alain Giresse.

« Avec le Brésil, cette année là, nous avions les deux plus belles équipes et pourtant aucune des deux n’a gagné le titre mondial. Mais aujourd’hui encore, lorsque que l’on évoque cette Coupe du monde, les gens ne parlent que de l’équipe de France et de celle du Brésil, des buts fantastiques inscrits et de l’émotion que ces deux formations ont su procurer. »

Il est vrai que le football peut parfois s’apparenter à de l’art, ou du moins certains joueurs ont cette capacité d’être des artistes, d’illuminer une action, une phase de jeu, par un geste technique qui semble venu d’ailleurs… Alain Giresse était de ceux-là.
On ne peut effectivement oublier certaines images qui ont marqué toute une génération. Celles notamment de sa course à perdre haleine après son but inscrit dans les prolongations, le visage transfiguré par l’intensité de l’allégresse et précédant le traumatisme de la défaite aux tirs au but. Ce match unique et dramatique est entré dans l’histoire. Alain Giresse terminera deuxième du Ballon d’Or cette année là derrière l’italien champion du monde et bourreau des brésiliens Paolo Rossi.

Né en1952 à Langoiran et destiné à être charpentier, il est détecté à l’âge de 12 ans par le club des Girondins de Bordeaux où il sera professionnel de 1970 à 1986. Il terminera sa carrière de joueur à l’Olympique de Marseille en 1988 avec 47 sélections en équipe nationale. Il demeure à ce jour le joueur de champ ayant effectué le plus grand nombre de matches de championnat de France de première division avec un total de 587 rencontres !
Dans son livre Né pour jouer, il prend le temps de se raconter, de revenir sur son parcours de joueur mais aussi d’entraîneur ou de sélectionneur, une deuxième vie qui lui a ouvert de nouveaux horizons et enrichi sa culture. A 69 ans, il donne aujourd'hui sa vision d'un sport en perpétuelle mutation, sur le terrain comme en dehors. Il nous parle du jeu certes mais également des tribunes devenues infernales et des maux tout aussi persistants qu’insoutenables que peuvent être le foot business ou le racisme.

« Sans être passéiste et je ne le suis pas, il faut reconnaître qu’aujourd’hui la réussite économique prend régulièrement le dessus sur la passion du jeu et cela à tous les niveaux, regrette Alain Giresse. De nombreux clubs ne survivent que par le soutien de fonds d’investissements qui bafouent totalement le sportif ou les structures du club. Cela impacte aussi les mentalités avec des jeunes joueurs poussés par des parents avides de réussite qui négligent totalement le scolaire ou la formation professionnelle alternative et qui entraînent des situations d’échecs souvent lourdes de conséquences ».

Au cours de ses cinquante années passées dans le monde du ballon rond, " Gigi " a fort heureusement aussi rencontré des dirigeants baroques, des joueurs merveilleux, et noué de franches camaraderies. Il a connu des émotions intenses, bouleversantes, qui l'ont marqué et construit.

« J’ai été sélectionneur de plusieurs pays africains : le Gabon, le Mali, le Sénégal ou encore la Tunisie, raconte-t-il. Ces expériences ont été d’une incroyable richesse sur le plan personnel et humain. Grâce au foot, le petit gamin de Langoiran que je suis, a pu parcourir le monde et découvrir des horizons improbables. J’ai côtoyé des joueurs et des hommes remarquables comme le sénégalais Sadio Mané par exemple, qui loin des médias et avec une grande humilité, aide et investit beaucoup d’argent dans son village natal de Casamance. Il n’en parle jamais et le fait naturellement parce que pour lui, c’est dans l’ordre des choses ».