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Récit

Dray-Boutih, bas les potes

Les deux socialistes, ex-figures de SOS Racisme jadis très proches, se disputent la 10e circonscription de l’Essonne.
par Laure Bretton
publié le 10 janvier 2012 à 0h00

Il ne l'appelle plus «Julien» et encore moins «Juju», parle de lui à la troisième personne. Après une trentaine d'années passées côte à côte, des grandes heures de SOS Racisme à la campagne présidentielle de Ségolène Royal, des séances de ciné à deux le dimanche soir pour tromper le blues aux vacances en famille, Malek Boutih est parti en guerre contre son «père» en politique, Julien Dray. Motif du divorce : la 10e circonscription de l'Essonne, convoitée par le premier, détenue par le second depuis 1988. Qui, après une traversée du désert politique et personnelle, hésite à se présenter pour un sixième mandat. «C'est une affaire psychologiquement dure et politiquement compliquée», euphémise la sénatrice Laurence Rossignol, qui fut proche de Dray à l'époque du courant de la Gauche socialiste dans les années 90.

«Casse-pipe». A 47 ans, Boutih est un pur produit Dray, qui l'a pris sous son aile jusqu'à le porter à la tête de SOS Racisme en 1999. «Il y a plusieurs cercles autour de Julien, et Malek était le seul qui faisait partie de tous», convient un de leurs proches. Mais à la différence d'autres «bébés Dray» comme Delphine Batho, élue députée en 2007, Boutih bute sur la case Assemblée depuis toujours. Aux dernières législatives, il s'est fracassé à Angoulême, accusant François Hollande, alors premier secrétaire, de l'avoir «envoyé au casse-pipe».«Il y a un problème Malek, qui pense depuis des années que le PS a une sorte de dette envers lui, et un problème Julien qui entretient le doute», estime Harlem Désir, autre ex-président de SOS Racisme.

Alors en juillet, Boutih va voir Dray qui semble préparer son retour parlementaire après avoir dit qu'il ne se présenterait pas. Ce sera leur dernière rencontre. «Je lui ai dit que je me battais pour des principes, pour une génération, pas pour mon compte perso, raconte Boutih. Je suis clean, libre, je vais tout droit.»

«Baston».En décembre, alors que le PS s'apprête à «geler» l'investiture sur la 10e circonscription de l'Essonne, Boutih diffuse aux militants une lettre dont la virulence est à la hauteur du désamour. Sur deux pages, le «pote» discrédite son mentor sur tous les tableaux : politique, humain et judiciaire. L'affaire des montres, qui s'est soldée par un rappel à la loi pour Dray en 2009, est passée par là. Boutih, Olivier Leonhardt, ancien assistant parlementaire de Dray et maire de Sainte-Geneviève-des-Bois, et l'ami Eric Benzekri «se sont dit "nous, on est propres, c'est notre tour"», décrypte un proche.

C'est que Dray revient sans revenir, réservant sa décision. Pour ses adversaires, il «reste au chaud» en attendant le verdict de la présidentielle. Si Hollande gagne et que Dray entre au gouvernement, c'est réglé.Sinon, «il se dit : "je regarde ce qui se passe pour Huchon et s'il est nommé ministre, je passe président"» de la région Ile-de-France, glisse un parlementaire francilien. Pour ses amis au contraire, Dray ne mettra son poids dans la balance que si c'est «la baston contre la droite».

Pour signer l'armistice, «il y a cinquante formules en gestation», confiait Dray hier : vote des militants, réserver la circonscription à une candidature diversité - Dray pourrait alors aligner sa suppléante, Fatima Ogbi, face à son ancien poulain -, voire un ticket Dray-Boutih ou Boutih-Dray. On va vers le compromis, assure Christophe Borgel, chargé des élections au PS, «avec les socialistes tout est toujours possible, en matière d'éclats comme de rabibochage».

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