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«L’Insoutenable légèreté de l’être», le livre d’une vénération

Publié en 1984 chez Gallimard, aussitôt salué, le roman s’est imposé comme l’œuvre phare de Milan Kundera et un marqueur générationnel au statut culte.
par Thomas Stélandre
publié le 12 juillet 2023 à 21h10

Si Milan Kundera avait un sens certain du titre – La vie est ailleurs (1973), la Valse aux adieux (1976), le Livre du rire et de l’oubli (1979)… –, aucun n’aura marqué les esprits comme l’Insoutenable Légèreté de l’être, cinquième roman que l’auteur commence vers 1980 et dont la sortie, en 1984 chez Gallimard, représente un immense succès des deux côtés de l’Atlantique. C’est l’un de ces livres dont on peut dire qu’il est «d’une génération», même si les suivantes continuent d’être attirées par l’énigme du fronton et d’en recopier romantiquement certains passages : «Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout», «On ne badine pas avec les métaphores. L’amour peut naître d’une seule métaphore»… Pendant le printemps de Prague, quatre personnages, Tereza et Tomas, Sabina et Franz, se croisent et se trouvent, donnant à la narration le prétexte de digressions sur l’amour, l’amitié, l’éventail des possibles entre les deux, mais aussi la liberté, l’histoire, la mort.

«Une aura dépassant largement le monde de la littérature»

Ce titre, l’Insoutenable Légèreté de l’être, ne fut pas une évidence pour tout le monde. Lorsque Kundera le propose à ses éditeurs, ceux-ci le jugent d’abord trop compliqué : «l’insoutenable légèreté» passe encore, mais «de l’être» en sus semble lourd chez Gallimard. L’écrivain tient bon. Pour lui, le titre reflète bien le contenu. «Et l’avenir, ironiquement, va lui donner raison contre toute attente, note François Ricard dans la Pléiade Kundera en 2011, puisque ce titre va bientôt acquérir une aura dépassant largement le monde de la littérature : imité, copié, trafiqué, il sera utilisé à toutes les sauces.» A sa sortie en France, le livre reçoit un concert d’éloges dans la presse (seul le Canard enchaîné boude un peu). Même enthousiasme aux Etats-Unis, où The Unbearable Lightness of Being gagne, à l’automne 1984, le prix du Los Angeles Times Book Review. Dans les années suivantes, il est traduit partout en Europe et atteint vite un statut culte. Les commentaires plus mitigés viennent des compatriotes dissidents, tel le critique et traducteur Milan Jungmann, exilé en Bohême, qui lui reproche en 1986 de n’écrire «que pour plaire à tout prix au public étranger».

«Je déteste les best-sellers»

A l’Insoutenable Légèreté de l’être, le roman, succède l’Insoutenable Légèreté de l’être, le film, adapté en 1988 par Philip Kaufman avec Juliette Binoche et Daniel Day-Lewis, auquel Kundera ne trouvait pas grand-chose de commun avec son texte. Mais là encore, ce fut un succès. En 2002, en dialogue avec l’écrivain Massimo Rizzante, il déclarait : «Ce roman n’est ni meilleur ni pire que les autres. Mais on a fait un film d’après ce livre, et cela a fait un best-seller. Je déteste les best-sellers, et je crois que ce roman ne mérite pas cette étiquette honteuse.» Depuis sa parution, le livre s’est écoulé en France à près d’un million et demi d’exemplaires.

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