Alexeï Maximovitch Pechkov, dit Maxime Gorki, a eu deux fils : l’un naturel, l’autre adoptif. L’un devient bolchevique et soviétique. L’autre, après une adolescence révolutionnaire et quelques années de vagabondages planétaires, s’engage dans la Légion étrangère française. L’un ressemble à un personnage de Platonov, peu à peu détruit par l’alcool et la botte du pouvoir sous Lénine et Staline. L’autre commence par ressembler à un personnage de Blaise Cendrars ou de Jack London. Il perd un bras au front en 1915, est blessé à la jambe pendant la guerre du Rif. Il devient conférencier international, effectue de nombreuses missions au Proche-Orient. Général, il rejoint la France libre en 1941. L’un meurt en 1934, en poivrot solitaire sur un banc moscovite. L’autre meurt en 1966, bien entouré, à l’hôpital américain de Neuilly. Les staliniens l’ont depuis longtemps effacé d’une photo où il figurait avec son père et Lénine. Les lettres que Gorki a échangées avec eux, leurs triples destins croisés, font de leurs correspondances un roman russe qui pourrait s’intituler : «Père et fils». Mais le titre a été pris par Tourgueniev.
Le premier fils de Gorki, né en 1897, porte comme prénom le pseudonyme de son père : Maxime. L’écrivain, en tournée à New York en 1906, écrit au gamin éloigné : «Ici, les enfants sont maîtres de tout. On les respecte. On a construit pour eux, au beau milieu de la ville, un parc gigantesque où les écureuils se livrent à la course et à l’escalade sans être inqui