Menu
Libération
Disparition

Jean Ristat, la dernière mort d’Aragon

Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Le poète, fondateur de la revue «Digraphe», exécuteur testamentaire de Louis Aragon, est mort le 2 décembre, à 80 ans.
par Philippe Lançon
publié le 5 décembre 2023 à 15h42

Louis Aragon a disparu plusieurs fois, sous des formes différentes. La mort ce week-end du poète Jean Ristat qui fut son compagnon, son disciple et l’exécuteur testamentaire de l’écrivain et de sa femme Elsa Triolet, est une nouvelle forme de disparition. Jean Ristat était né dans le Cher, en 1943. Lisons-le évoquant son apparition sur terre : «Quelques personnes, à peine une dizaine, peuvent affirmer avoir assisté à ma naissance. Le médecin est mort il y a cinq ans, la sage-femme qui l’assistait a disparu depuis longtemps. Ma grand-mère maternelle est décédée en 1973. Mon père n’a rien vu et ma mère seule, co-auteur, actrice et spectatrice tout à la fois peut parler de son accouchement. Nul en effet ne songerait à contredire sa thèse. Mais est-on bien certain qu’il s’agisse de moi ? […] Il me plaît d’être le fils d’une femme dont on jetait, comme un crachat au visage, le nom de bâtarde. […] Ma grand-mère lavait le linge d’abord dans la rivière qui entourait le bourg comme une couronne d’épines puis, après 1930, dans le lavoir municipal, grande bâtisse de ciment au toit de tuiles rouges. Une étendue d’eau rectangulaire la traversait par le milieu. Deux grandes allées cimentées la bordaient que de lourdes portes de bois armées de gros verrous fermaient à chaque extrémité. Le vent de l’hiver y faisait son lit. Combien étaient-elles dans cette prison, agenouillées dans des boîtes de bois au dessin ordinaire et qu’un coussin ou un vêtement de laine jeté à la hâte tapissait ?

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique