Vincent Delerm

Vincent Delerm

Philippe Lebruman

Dans son nouvel album,Les Amants parallèles, Vincent Delerm raconte en treize chansons la rencontre d'un homme et d'une femme, leur vie, leur couple, leur chemin sentimental, avec beaucoup de tendresse et de finesse, sur des musiques cinématographiques, enregistrée avec des pianos préparés. Interview.

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Votre pièce, Le Fait d'habiter Bagnolet [2004], auscultait déjà un couple ?

Oui, mais la relation était envisagée en temps réel, et du point de vue de chaque protagoniste. Avec Les Amants parallèles, il ne s'agit que de la vision d'un garçon, ou presque, et sur une période de dix ans. C'est vrai, l'essentiel de mes chansons évoquent, de près ou de loin, le sentiment amoureux. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. La vision du couple est en général assez caricaturale, plus encore dans les enquêtes des magazines. L'album n'a pourtant pas été écrit en réaction à cela, mais pour raconter un parcours de l'intérieur. Les débuts où l'on marche sur l'eau. La naissance du premier enfant. Les moments où ça fait déjà un moment...

D'où la volonté d'un album concept?

Je n'avais pas envie d'un disque où les morceaux partiraient dans tous les sens. La limite d'une chanson, c'est qu'on ne peut pas décrire un état amoureux en deux mots. Là, j'ai la possibilité d'y revenir dans la chanson d'après. L'album est une sorte de livre que l'on découvre concentré, au moins la première écoute. Même si les musiques sont accessibles, il ne se jette pas aux oreilles.Je crois que ce qui fait l'équilibre des Amants parallèles, c'est que la première partie est plus en-dehors de la vie, plus sucrée, plus cliché: je joue avec les codes. La deuxième partie exprime la maturité du couple. C'est sérieux, et amusant aussi.

Est-ce que des livres ou des films vous ont inspiré?

Le projet, c'était de retranscrire quelque chose d'intime et de fragile. Je ne pouvais pas piocher dans un livre ou un film la trame ou le propos, même si la musique des Amants parallèles a une couleur de bande originale de film. Je me suis plutôt basé sur des témoignages d'amis. Pourquoi à chaque histoire, le même processus recommence ? Comment l'attente du grand amour est liée à un mythe de conte de fée? Et aussi le fait qu'une génération se dise qu'elle a le temps de vivre en couple, de faire des enfants, et, qu'à force, elle ne l'a plus. C'est une époque où plus personne ne vous montre du doigt parce que vous êtes en couple ou bien célibataire. Mais le sentiment amoureux nous tient toujours autant, davantage que des grimpettes dans la hiérarchie. En tout cas, moi, cela me tient. Déjà enfant, je me projetais dans les chansons des autres, et je me disais que cela avait l'air dingue d'être amoureux. La mélancolie liée à cela me plaisait aussi. Je pense à une chanson comme L'Océane de Laurent Voulzy. Je l'écoutais quand j'étais amoureux pour l'être encore plus.

Vous aviez besoin de rupture artistique?

Pendant longtemps, je me suis presque forcé à ne pas faire d'écart, à ne pas jouer les malins. J'ai pratiqué le théâtre, étudiant, mais je n'ai pas voulu monter sur scène pour Le Fait d'habiter Bagnolet. Je n'avais plus envie d'enregistrer un disque tous les deux ans mais je n'ai pas non plus le goût de tout faire exploser. Je pense que si des gens m'ont moins écouté ces dernières années, ils trouveront cet album différent: la voix, la nature du son, pas d'utilisation de name-dropping. Aujourd'hui, mon ironie j'ai tendance à la mettre sur scène. Et d'ailleurs je reviendrai seul sur scène, cela faisait presque dix ans que je ne me produisais pas en solo.

Pourquoi ce titre, Les Amants parallèles?

Parce qu'ils passent une vie côte à côte. C'est une problématique éternelle, on vit toujours parallèlement aux autres, et on ne pourra jamais placer une caméra dans un cerveau. Cela m'intéressait de creuser ce sujet.

Retrouvera-t-on "les amants" dans dix ans?

J'ai plutôt l'impression que non. Mais qui sait ?

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