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L’Ethiopie veut attirer les entreprises suisses

Un vol direct d’Ethiopian Airlines relie depuis dimanche Genève à Addis-Abeba trois fois par semaine. Une première et un symbole d’un pays pauvre qui connaît une forte croissance. Les entreprises suisses sont invitées par l’Etat éthiopien à explorer un marché de 100 millions de consommateurs

Addis Abeba, la capitale éthiopienne, se reconstruit. De nombreux hôtels et des immeubles flambants neufs remplacent graduellement les taudis. — © TIKSA NEGERI/REUTERS
Addis Abeba, la capitale éthiopienne, se reconstruit. De nombreux hôtels et des immeubles flambants neufs remplacent graduellement les taudis. — © TIKSA NEGERI/REUTERS

L’aéroport de Genève se frotte les mains. Un nouveau client, Ethiopian Airlines, assure depuis dimanche une liaison avec Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, trois fois par semaine. Il s’agit de la première destination régulière en Afrique subsaharienne, qui constitue un hub pour 50 destinations africaines. «A son tour, cette ligne valorise le rôle de Genève comme porte d’entrée de l’Europe», se félicite Vincent Subilia, directeur général adjoint de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG).

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«La ligne Genève-Addis Abeba donnera une impulsion aux échanges économiques entre la Suisse et l’Ethiopie, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, derrière le Nigeria», poursuit Vincent Subilia. En effet, profitant des événements marquant son inauguration, la CCIG et le Swiss-African Business Circle (SABC) organisent jeudi une rencontre entre investisseurs suisses et autorités éthiopiennes à Genève pour explorer les potentiels d’échanges. Selon le Fonds monétaire international, le pays enregistre le plus fort taux de croissance en Afrique, soit autour de 10% par an depuis 2010.

La Suisse, troisième marché d’exportations

Les grandes entreprises suisses comme Nestlé et Novartis sont déjà présentes en Ethiopie. ABB, lui, participe à de nombreux projets de construction d’infrastructures, notamment le Grand Ethiopian Renaissance Dam, le futur plus grand barrage d’Afrique. Aux côtés de ces grandes sociétés, d’autres à l’instar de Rieter (textile), Sika (chimie spécialisée), ou encore Orbis Trading (concessionnaire de Mercedes et Renault) ont également pignon sur rue.

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A présent, les échanges entre les deux pays se limitent, surtout à la coopération. En matière commerciale, la Suisse, qui abrite les centrales d’achat de café de Nestlé et de Starbucks, est le troisième marché d’exportations (622 millions de dollars en 2017), devant la Somalie et le Koweït.

Pour Thomas Seghezzi, directeur du SABC, le potentiel pour de nouveaux investissements est considérable. «A priori, les secteurs pour lesquels l’importance stratégique pour l’Ethiopie coïncide avec ceux où la Suisse peut apporter une vraie valeur ajoutée sont la pharmaceutique, la construction, l’énergie (traditionnelle et renouvelable) ou encore l’agro-industrie, énumère-t-il. Une certaine niche, à ne pas ignorer, constitue le secteur de transport public.» En effet, le pays enclavé développe des projets majeurs, notamment des chemins de fer nationaux et internationaux.

Nouvel atelier textile du monde

Autant dire que le géant d’Afrique de l’Est se montre ambitieux et l’expansion de sa compagnie aérienne publique en constitue l’une des preuves. Ethiopian Airlines a en effet dépassé les autres grands transporteurs du continent dont South African Airways et Kenya Airways pour devenir le numéro un. Elle exploite à présent 100 appareils; ce nombre devrait passer à 150 d’ici à 2025. Elle a par ailleurs déjà pris des participations dans cinq compagnies aériennes nationales en Afrique.

L’aviation civile n’est toutefois qu’un des secteurs que l’Etat entend développer. Le pays est devenu un exportateur des produits pétroliers. Il est considéré comme le nouvel atelier textile du monde. Calvin Klein, Tommy Hilfiger, Primark ou encore H&M s’approvisionnent dans des usines près d’Addis-Abeba. Selon les chiffres officiels, les exportations textiles, notamment vers les Etats-Unis et l’Europe, ont augmenté de 51% par an depuis 2012.

Pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement éthiopien met en avant des arguments qui ne laissent pas indifférent: des bas salaires plus compétitifs qu’en Chine, un grand réservoir de main-d’œuvre facile à former, un faible coût d’énergie et autres incitations fiscales. Son objectif: faire de l’Ethiopie un pays à revenu moyen d’ici à 2025. A présent, près de 20% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 2 dollars par jour.

Forte présence chinoise

L’Ethiopie doit une fière chandelle à la Chine, qui joue un rôle de premier plan dans le développement du secteur pétrolier, des infrastructures et des textiles. Des dizaines d’entreprises chinoises y ont délocalisé la production. Pékin a aussi financé un tramway, le premier du genre en Afrique subsaharienne, qui traverse la ville du nord au sud et d’est en ouest.

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Thomas Seghezzi estime que la forte présence chinoise a réveillé le reste du monde et entraîné d’autres continents et pays à suivre. «On note aujourd’hui une participation également de la Turquie, de l’Inde et de certains pays du Moyen-Orient, explique-t-il. L’Europe est à la traîne, mais commence à prendre conscience de l’importance et des opportunités que représente cet énorme marché de demain.»