La mort a figé sa vie en roman. Sans bac, tenancier d’un bar à jazz à Toulouse, il a les finances difficiles. Qu’à cela ne tienne, il va régler cela lui-même en décidant d’aller braquer une banque. Ça marche, et il y prend goût. C’est le quatrième braquage à main armée qui lui sera fatal, et lui vaudra 5 ans de prison. C’est là que, grâce à un professeur de philosophie (Gérard Granel) qui l’avait pris en amitié dans son bar, il découvre les grands auteurs, qu’il dévore avec passion.
Dès sa sortie de prison, il ira à la rencontre de Jacques Derrida; il se fait remarquer, et sa carrière s’enclenche alors, insolite, hétérodoxe, multiforme mais pas incohérente: professeur de technologie à Compiègne, directeur adjoint de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) de 1996 à 1999, fondateur de l’association Ars Industrialis depuis 2005, professeur en Chine, directeur d’un centre de recherche au Centre Pompidou depuis 2006, il voulait dans tous ces domaines combattre la bêtise culturelle que le marché imposait à tous.
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Le poison et le remède
La technologie numérique, Stiegler la caractérisait d’un terme grec qu’il a remis à l’ordre du jour: pharmakon, qui désigne à la fois le poison et le remède, comme le fut pour lui la prison sans laquelle, dit-il, il aurait mal tourné. Le numérique, poison lorsqu’il est abandonné aux géants industriels, peut être le remède dès lors qu’il se retourne contre l’automatisation des esprits. D’où son appel à pratiquer la «pharmacologie», c’est-à-dire à imaginer des pratiques bénéfiques pour que la technologie – qu’il était loin de rejeter – ne devienne pas empoisonnante.
Il laisse une œuvre foisonnante mais, il faut le dire, difficile à lire. Des autodidactes, il a gardé cette caractéristique d’accumuler, de relier, de mobiliser une foule de concepts, parfois ronflants, pour y asseoir sa légitimité intellectuelle. Mais c’était un bonheur de l’écouter, comme on peut facilement s’en rendre compte à revoir les innombrables entretiens dont il a laissé la trace sur la Toile. Sa passion de penser y apparaît sans fard, comme l’ardeur à partager son savoir.
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