Arrêts non desservis, bus annulés. Le meilleur moyen de se rendre à Nanterre depuis La Défense reste la marche. La rue Pablo Picasso, du nom du quartier sensible, est accessible par une passerelle, liant le quartier des affaires au quartier tout court. Au bout d’une centaine de mètres, côté Nanterre, les premières séquelles des quatre jours d’émeutes sont visibles : carcasses de voitures brûlées, macadam noirci par les feux, éclats de verre.
« Une amende, mais pas le tuer ! »
L’atmosphère, en ce samedi 1er juillet, est calme. Comme un jour de gueule de bois, ou de fatigue. Ou simplement un jour de tristesse parce qu’aujourd’hui ont lieu les obsèques du jeune Nahel, 17 ans, tué mardi dernier, à Nanterre, par un policier. Une jeune femme de 19 ans, accompagnée de sa mère, se dirige vers la seule boutique ouverte en ce début d’après-midi, pour faire quelques courses. Les magasins autour ont baissé le rideau.
« D’habitude, c’est plus vivant. » Elle fréquentait le même collège que Nahel. Elle regrette l’issue de ce contrôle qui a mal tourné : « Le policier aurait pu lui mettre une amende, mais pas le tuer ! Tout le monde n’est pas mature à 17 ans ! ». La colère est aussi inscrite sur les murs des immeubles : « Justice pour Nahel », « Police, assassins » et autres menaces directes à l’encontre du policier mis en examen sont taguées.
Une cérémonie sous contrôle
Devant la mosquée où se tient la cérémonie, une voie de sécurité interdite aux voitures a été mise en place sur la route. Une file d’hommes, longue de cinquante mètres, attend de pouvoir entrer dans le temple pour assister aux funérailles. Des médiateurs, payés par la ville, vêtus de leur T-shirt rouge, sont présents. Un service de sécurité en gilets jaunes, composés des membres de la communauté, s’occupe de la circulation. D’autres, en civil, arrêtent les badauds qui filment. « On ne veut pas que ça se retrouve sur les réseaux sociaux, il faut respecter le deuil. »
La mosquée devient vite étroite. Les hommes restés dehors occupent la route et commencent à prier à même le sol. Des Nanterriens, postés sur le trottoir d’en face, sont venus rendre hommage à Nahel. « C’est dramatique, ce qu’il s’est passé, raconte cette quinquagénaire. Je pense à cette mère qui a vu la vidéo de son fils unique se faire tuer. Comment elle va pouvoir vivre avec ces images en tête ? »
« Qu’ils arrêtent de tout casser ! »
Puis la discussion continue sur les émeutes : « Ça n’est plus pour Nahel qu’ils font ça. Il faut qu’ils arrêtent de tout casser ! On en a marre de cette violence et de la mauvaise image qu’ils donnent de nous tous ». Le cercueil sort de la mosquée sous les youyous des femmes. La foule se densifie devant le bâtiment, puis s’éloigne en suivant le cortège funèbre. La vie reprend doucement son cours. Jusqu’à quand ?