L’église Saint-Roch va éjecter un organisme pour les itinérants

Geneviève Quinty, directrice générale du Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ), qui gère le Local Centre-ville, accompagnée du coordonnateur du Local Centre-Ville, Olivier Gagné

L’église Saint-Roch va éjecter de ses locaux un organisme d’aide aux itinérants qui sera contraint de fermer.


Le Local Centre-ville, qui occupe le sous-sol de l’église depuis décembre 2020, cessera le 17 juin d’accueillir les quelque 150 sans-abri par jour qui venaient s’y réchauffer, prendre un repas et recevoir du soutien d’intervenants et de pairs aidants. 

Au moment où l’itinérance augmente dans la capitale, le coordonnateur du Local Centre-ville, Olivier Gagné, s’indigne de la perte de ce lieu pivot pour les itinérants à Québec. «Le message que les gens vont recevoir, c’est que c’est malheureusement une porte de plus qui se ferme pour eux», dit-il. 

Fin février, le bail du Local Centre-ville a été prolongé une dernière fois jusqu’au 30 juin. Consulté par Le Soleil, le bail précise que l’organisme ne pourra plus occuper le local après cette date, sans quoi La Fabrique de la paroisse de Sainte-Marie de l’incarnation, dont fait partie l’église Saint-Roch, «pourra se prévaloir de tous les recours prévus par la loi pour [l’] expulser».

Ces derniers mois, le Local Centre-ville a cherché un autre local dans Saint-Roch, en vain. Devant l’impasse, l’organisme a dû se résigner à fermer vendredi dernier et a annoncé la nouvelle lundi à ses employés. Vingt-cinq intervenants et pairs aidants qui travaillaient au Local vont perdre leur emploi. 

«Ç’a été un choc pour nous autres, parce qu’on y a cru jusqu’à la dernière minute», dit Geneviève Quinty, directrice générale du Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ), qui gère le Local Centre-Ville.

Le Local Centre-ville, qui occupe le sous-sol de l’église Saint-Roch depuis décembre 2020, cessera le 17 juin d’accueillir les quelque 150 sans-abri par jour qui venaient s’y réchauffer, prendre un repas et recevoir du soutien d’intervenants et de pairs aidants.

Local inadéquat et «problème d’encadrement», selon le curé

Le curé Michel Drouin, responsable de la paroisse Sainte-Marie-de-l'Incarnation, confirme que le bail du Local Centre-Ville ne sera pas renouvelé le 30 juin. Il explique que la paroisse n’a plus les moyens de soutenir l’organisme. 

Le curé se défend de «chasser les itinérants» de ses locaux. «Mais moi, j’ai 185 000 $ de déficit, présentement, dans ma paroisse. Alors, à un moment donné, faut que j’apprenne à le gérer, parce que sinon c’est moi qui va quêter dans pas long.»  

Selon le curé, la présence du Local Centre-ville a entraîné des coûts de réparation d’environ 25 000 $ au sous-sol de l’église, notamment pour des fenêtres brisées, des murs endommagés et des dégâts d’eau. Le local n’est pas adapté aux besoins sanitaires de la clientèle, ajoute l’abbé Drouin. «Au niveau hygiène, c’est effrayant», dit-il.

La clientèle du Local Centre-ville a aussi exacerbé la consommation de drogue, la violence et le vandalisme au parvis de l’église Saint-Roch, soutient le curé. L’abbé Drouin affirme que la paroisse a reçu des plaintes de citoyens, de commerçants et de gestionnaires du secteur à propos du Local Centre-ville. «La pression vient de partout», dit-il.

Le curé estime que le Local Centre-ville a accru les tensions avec les citoyens dans le secteur de l’église Saint-Roch comme l’a fait le déménagement du refuge Laubervière sur la rue Dupont. «Le problème d’itinérance qu’ils vivent à Lauberivière, il est doublement sur le parvis de l’Église», dit le curé. 

Selon le curé Michel Drouin, la présence du Local Centre-ville a entraîné des coûts de réparation d’environ 25 000 $ au sous-sol de l’église, notamment pour des fenêtres brisées, des murs endommagés et des dégâts d’eau. Le local n’est pas adapté aux besoins sanitaires de la clientèle, ajoute-t-il. «Au niveau hygiène, c’est effrayant», dit-il.

«Haut seuil d’acceptabilité»

Ouvert dans le sous-sol de l’église Saint-Roch en décembre 2020 en pleine pandémie, le Local Centre-ville a pris le relais de Rendez-vous centre-ville — géré par Lauberivière — avec qui le curé Drouin dit ne pas avoir eu de problème. 

L’équipe de Local Centre-Ville a voulu faire du sous-sol de l'église un endroit à «haut seuil d’acceptation», où des gens démunis sont admis même s’ils sont intoxiqués, en psychose ou ont été expulsés d’un refuge, par exemple. Environ 90 % de la clientèle est en situation d’itinérance. 

«C’est sûr qu’on va loin dans le désir de générer le moins d’exclusion possible et d’accueillir les gens dans l’état où ils sont», dit le coordonnateur du Local, Olivier Gagné.

Selon lui, l’organisme a réussi sa mission dans un contexte particulièrement difficile. La pandémie a fait augmenter l’itinérance à Québec et fait déborder les refuges, note-t-il. De plus, la fermeture des frontières a détérioré la qualité de la drogue qui circule dans la rue. 

Olivier Gagné croit que la fermeture du Local Centre-ville, visité par environ 450 personnes de façon régulière, aura un effet domino dans le quartier. 

«J’ai une pensée pour les patrouilleurs [de la police de Québec] qui se démènent depuis plusieurs années pour adopter leur pratique et qui sont malheureusement super sollicités et les différents organismes et travailleurs de rue qui sont trop peu nombreux, encore, dans le quartier, et qui vont accueillir encore plus de souffrance.»

Environ 90 % de la clientèle du Local est en situation d’itinérance.

«Trou de service»

En octobre 2021, le Local Centre-ville avait évité la fermeture grâce à un soutien financier de 100 000 $ offert conjointement par la Ville et la Fondation Maurice-Tanguay. «Les gens du Local et leurs partenaires contribuent à faire de Québec une ville solidaire et inclusive», avait déclaré Régis Labeaume, ex-maire de Québec.

Selon Geneviève Quinty, directrice générale du Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ), le Local a maintenant épuisé ce financement. 

Dans les derniers mois, le Local n’a pas été en mesure d’obtenir une garantie de financement du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS) et de la Ville de Québec afin de signer un bail pour un autre local dans Saint-Roch, selon Mme Quinty.

La conseillère municipale responsable du dossier de l’itinérance au comité exécutif de la Ville de Québec, Marie-Pierre Boucher, indique que la Ville a participé aux discussions pour essayer de trouver une solution à la fin du bail au sous-sol de l’église, mais affirme qu’il y a des «éléments qui étaient difficiles à attacher pour trouver un autre local.»

Mme Boucher estime que Québec a besoin d’un local à haut seuil d’acceptation pour les itinérants. «C’était le Local qui jouait ce rôle-là, donc c’est certain que c’est un trou de service qu’on ne veut pas avoir dans la ville.»

La conseillère dit qu’elle peut comprendre les difficultés de l’église Saint-Roch à héberger un organisme comme Le Local Centre-Ville. En même temps, souligne-t-elle, «personne ne trouve que c’est un lieu approprié à côté de chez eux, dit-elle. Mais ces personnes-là ont besoin d’être accueillies, donc il est où le lieu approprié dans ce cas-là?»

De son côté, le CIUSSS de la Capitale-Nationale «ne peut s’engager à l’avance à défrayer des coûts de logement tant que l'organisme n'a pas identifié le milieu et les coûts associés à la relocalisation de ses activités», indique un porte-parole, Mathieu Boivin, par courriel.  

Le CIUSSS affirme qu'il va travailler «en étroite collaboration» avec l'organisme et les partenaires pour élaborer un plan de transition. «Nous reconnaissons l'importance de maintenir un filet de sécurité robuste pour les personnes en situation d'itinérance et nous soutiendrons les initiatives pour répondre aux besoins de cette population, quel que soit le partenaire qui nous permettra d’y satisfaire», dit M. Boivin.

Le Local Centre-ville prévoit fermer le 17 juin, soit deux semaines avant la fin de son bail, le temps de remettre le sous-sol de l’église en ordre, d’entreposer ses ressources matérielles et de donner des vacances à ses employés. 

Geneviève Quinty espère que le Local Centre-ville pourra renaître ailleurs. «On rêvait de rendre accessible à des gens un espace humain, axé sur la relation, pour que les gens puissent enfin faire un premier pas vers une réaffiliation sociale, dit-elle. Et on y est arrivé. De voir ça fermer, on a un sentiment de projet inachevé.»

Geneviève Quinty, directrice générale du Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ), qui gère le Local Centre-ville, accompagnée du coordonnateur du Local Centre-Ville, Olivier Gagné