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Le Venezuela intensifie ses menaces d'annexion sur une partie du Guyana

Le Venezuela organise ce dimanche un référendum sur l'annexion d'une partie du Guyana riche en ressources naturelles, l'Essequibo, objet d'une querelle frontalière depuis le XIX e  siècle.

L'inflation était de 234% en 2022 au Venezuela et de 686% en 2021.
L'inflation était de 234% en 2022 au Venezuela et de 686% en 2021. (Matias Delacroix/Ap/SIPA)

Par Hadrien Valat

Publié le 30 nov. 2023 à 18:50Mis à jour le 1 févr. 2024 à 15:00

Le Venezuela a la mémoire longue. Dans la prolongation d'une dispute qui dure depuis plusieurs siècles, les Vénézuéliens sont appelés dimanche à voter pour faire main basse sur un territoire voisin, l'Essequibo, au Guyana, riche en pétrole et en minerais.

Paraphé en 1899, le traité de Paris entérinait le contrôle du Royaume-Uni sur la région de l'Essequibo, au grand dam du Venezuela. Après avoir pris possession de colonies néerlandaises en Amérique du Sud, Londres avait chargé en 1841 un explorateur prussien de tracer une frontière, qui élargissait généreusement la mainmise britannique aux dépens de Caracas.

Référendum consultatif

La controverse renaît de plus belle en 1949, lorsqu'un des négociateurs de 1899 révèle dans une note posthume que la collusion de plusieurs arbitres aurait favorisé le Royaume-Uni . Dès lors, le Venezuela n'a eu de cesse de revendiquer sa souveraineté sur l'Essequibo, qui représente 70 % de la superficie du Guyana, indépendant depuis 1966.

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En organisant le 3 décembre un référendum consultatif sur la restitution de l'Essequibo, Nicolas Maduro ravive brusquement la brouille : « Etes-vous d'accord pour refuser par tous les moyens disponibles en droit, la ligne frontalière imposée frauduleusement par la décision arbitrale de Paris en 1899, prétendant nous voler notre Guyane de l'Essequibo ? », demande sans ambages la première des cinq questions soumises au vote des Vénézuéliens.

Gisements offshore 

Depuis la découverte d'un gisement de pétrole au large du Guyana en 2015, les explorations mettent régulièrement au jour de nouvelles réserves, évaluées aujourd'hui à onze milliards de barils. Et les sociétés d'hydrocarbures, ExxonMobil en tête, se frottent les mains. Les contrats d'exploitation profitent aussi à l'économie du Guyana qui jouit d'une croissance affolante : 62 % en 2022, 38 % en 2023, selon le FMI. La plus élevée au monde.

Mais ces découvertes n'ont pas non plus échappé au voisin vénézuélien, lui-même assis sur les plus larges réserves d'or noir au monde, qui lorgne ces gisements et accuse Washington de vouloir militariser la région pour s'approprier les ressources du Guyana.

« Menace existentielle »

« Le Venezuela remet le dossier à l'ordre du jour de la communauté internationale, alors que plus personne n'entendait parler de l'Essequibo depuis plusieurs années, explique Jean-Jacques Kourliandsky, directeur de l'Observatoire de l'Amérique latine de la Fondation Jean Jaurès. L'Essequibo pour le Venezuela, c'est l'Alsace-Lorraine pour la France au XIXe siècle ou les Malouines pour l'Argentine. » 

Mi-novembre, le Guyana a demandé à la Cour internationale de justice d'arrêter de « toute urgence » la tenue du référendum, qu'il qualifie de « menace existentielle ». A l'occasion d'un appel téléphonique avec le président Maduro, Emmanuel Macron a rappelé que « la France était aussi un pays amazonien, attaché à la paix et la sécurité dans la région, dans le respect des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale », rapporte l'Elysée.

Levée des sanctions

Avec la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, Nicolas Maduro semble estimer que le moment est propice pour réactiver le contentieux tout en évitant un tollé de la communauté internationale. « Apparemment, le gouvernement vénézuélien est bien conscient que le contexte actuel a détourné l'attention internationale des conflits secondaires. On a vu ce que ça a donné entre Azerbaïdjan et Arménie, avance le directeur de l'Observatoire. Mais pour éviter qu'on prête au référendum des interprétations malignes, il est bien précisé que cela donnera aux Vénézuéliens les moyens de relancer le dossier par les voies de la diplomatie. »

L'agression russe de son voisin occidental a aussi replacé Caracas au centre du jeu des hydrocarbures : mi-octobre, Washington a annoncé la levée partielle des sanctions contre le Venezuela, qui peut à nouveau vendre son pétrole.

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Echéances électorales

« Les Etats-Unis ont parrainé un accord entre le gouvernement et l'opposition. Ils ont lâché Juan Guaido. Donc le Venezuela, quelque part, reprend des couleurs, analyse Jean-Jacques Kourliandsky. Il reçoit des dollars, les entreprises américaines reviennent, mais aussi celles européennes et chinoises. Les autorités vénézuéliennes sont donc en mesure de reprendre l'initiative. »

Impopulaire, Nicolas Maduro mise sur le nationalisme pour marquer des points avant l'élection présidentielle de 2024. « Le gouvernement essaie de couper l'herbe sous le pied de l'opposition. L'Essequibo est un dossier consensuel et patriotique », observe Jean-Jacques Kourliandsky.

Hadrien Valat

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