Opéra Yoshi Oida, le regard sur la guerre d’un sage de 84 ans
Son nom vous est sans doute inconnu, mais peut-être pas le visage de cet acteur et metteur en scène japonais de 84 ans, installé à Paris depuis cinquante ans, qui figure au générique de Silence, le dernier film de Martin Scorsese. Au théâtre, il a joué au TNP de Villeurbanne, dans Le Mahabharata et L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. A l’Opéra de Lyon, où ce disciple du grand metteur en scène Peter Brook a signé trois opéras de Britten, dont Peter Grimes, Yoshi Oida fait partie des habitués. Pourtant, il avoue ne rien connaître à la musique.
« Mes parents étaient musiciens de théâtre de poupée. Je me souviens de mon premier disque, une Traviata de Verdi, que j’ai écouté en boucle. Mais à l’époque, la musique occidentale était celle de l’ennemi. Je me suis alors tourné vers le théâtre, Shakespeare, puis Tchekhov et Molière. » Lorsque Serge Dorny, le directeur de l’opéra, lui propose War Requiem , il accepte immédiatement. « La musique de Britten sait peindre la moindre émotion humaine. Et cet oratorio pose des questions à la fois religieuses et politiques, qui sont toujours d’actualité. Je ne suis, ni chrétien, ni croyant. Mais les questions sur la mort m’interpellent. »
"Pour moi, la paix est un rêve"
Yoshi Oida n’a pas oublié qu’à 12 ans, les bombes tombaient sur sa ville natale de Kobé, où il a vu les morts, les gens fuir et les maisons incendiées. « Je n’étais pas à Hiroshima ou Nagasaki. Mais le souvenir de la bombe atomique est dans mon inconscient, comme dans celui de tout Japonais de ma génération. Les hommes ont-ils jamais cessé de faire la guerre ? Pour moi, la paix est un rêve. »
Composé sur la Messe des morts et des textes de Wilfrid Owen, poète anglais mort au combat en 1918, le War Requiem pose des questions auxquelles Yoshi Oida ne veut pas répondre. « J’ai imaginé une classe d’enfants d’une école chrétienne venant voir un spectacle, laissant ainsi le public libre de répondre à ces interrogations. »
Yoshi Oida ne manque pas de projets, au cinéma et à l’opéra, notamment une création contemporaine à Tokyo, sous la direction de Kazushi Ono, qui vient de quitter l’Opéra… de Lyon.
Le souvenir de la bombe atomique est dans mon inconscient comme dans celui de tout Japonais de ma génération
Yoshi Oida