Évasion - Brésil : les nuits fauves du Pantanal

Safari inattendu dans ce paradis naturel classé réserve mondiale de biosphère, où les « fazendas », les fermes locales, se font écolodges.

Par Phalène de La Valette

Le Pantanal, dans le sud du Mato Grosso, est la plus grande plaine alluviale du monde.
Le Pantanal, dans le sud du Mato Grosso, est la plus grande plaine alluviale du monde. © ARTHUS-BERTRAND Yann / hemis.fr

Temps de lecture : 9 min

La pluie nous a surpris, fine mais dense, tiède et rafraîchissante. A bord du 4 x 4 qui s'enfonce lentement dans la nuit, pas un mot. Jumelles vissées sur yeux plissés, agrippé aux rebords ouverts du véhicule, chacun s'efforce de deviner ce qui se cache dans le silence remuant de la brousse. Ces prunelles brillantes, entraperçues à la lumière des phares, appartiennent-elles à l'un de ces fauves insaisissables que tous espèrent rencontrer au moins une fois ? Le mystère resterait entier sans l'œil exercé de notre guide, figure imperturbable exposée aux ténèbres et aux intempéries sur un siège surélevé à l'avant du véhicule. Baptisée (ça ne s'invente pas) en l'honneur des vierges guerrières de la mythologie nordique, Valkiria nous sert à la fois « d'appât et d'éclaireur ». « Comme ça, je repère les bestioles en amont et, en cas de problème, c'est moi qu'on dévore en premier », plaisante-t-elle en scrutant les environs. Aux aveugles que nous sommes faute d'entraînement, elle désigne soudain une masse mouvante. Un gigantesque et magnifique… fourmilier !

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« Forêt épaisse ». Eh oui, l'Afrique est loin, et c'est une tout autre savane qui se donne à découvrir ici ; celle, trop méconnue, du Brésil sauvage. On y trouve sur 200 000 kilomètres carrés (le tiers de la France !) la faune la plus riche d'Amérique latine : 656 espèces d'oiseaux, 400 variétés de poissons, 80 types de mammifères et plus de 1 000 papillons différents. Vous pensez à l'Amazonie ? Perdu ! C'est sa petite sœur plus revêche du Mato Grosso (littéralement, la « forêt épaisse »). Elle abrite un joyau mal dégrossi, mais repéré des connaisseurs, la plus grande plaine alluviale au monde : le Pantanal. Far West marécageux pendant la saison des pluies (l'eau monte jusqu'à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer sur 80 % du territoire), il se transforme en terrain d'exploration idéal durant la saison sèche. Mais impossible de s'y aventurer au petit bonheur la chance. La région, classée réserve mondiale de biosphère par l'Unesco, est presque entièrement constituée de propriétés privées, d'immenses fazendas, les fermes brésiliennes consacrées à l'exploitation agricole et à l'élevage bovin. La plupart opèrent en quasi-autarcie - y pénétrer sans autorisation est illégal et très risqué. Heureusement pour le voyageur curieux, un certain nombre de fazendas ont développé une activité parallèle d'écotourisme pour assurer leurs fins de mois (soumises à l'humeur changeante de la contrée) et tenter de préserver l'environnement. Lancée en 1987 dans une ferme de 1910 à l'extrémité sud du Pantanal, le Refugio Ecologico Caiman est la plus ancienne d'entre elles et s'étend sur 53 000 hectares. Autant dire que, même à raison de trois excursions quotidiennes durant nos soixante-douze heures de séjour, on n'en aura pas fait le tour.

  • Plongée dans les eaux translucides du rio Sucuri, véritable jardin subaquatique.
  • Dans les rivières, sous les jacinthes d’eau, cohabitent crocodiles et piranhas.
  • Le Pantanal est l’un des derniers habitats des aras hyacinthes.
  • Y vit aussi le rare jaguar.
  • L’une des premières fermes du Pantanal à avoir développé une activité d’écotourisme, le Refugio Ecologico Caiman s’étend sur 53 000 hectares.
  • Les repas y sont servis à la lisière d’une nature à l’état pur.
 

Protection animale. « Chaque circuit est unique », vante Raphael Klabin, qui gère la propriété familiale avec son père. Marqué par un stage dans la réserve privée de Londolozi, en Afrique du Sud, le jeune homme en a, depuis, importé les méthodes. Hôtellerie de luxe, safaris, programmes de protection des animaux : son ambition est de faire du Refugio Ecologico Caiman l'équivalent brésilien des meilleurs écolodges africains. Certes, on ne croisera pas sur ses terres de girafes ni de zèbres, mais les envolées d'aras hyacinthes, ces fameux perroquets bleu cobalt qu'on ne trouve quasiment plus qu'au Pantanal, feront leur petit effet. De même que les crocodiles et, surtout, les jaguars, ces « léopards latinos » que la famille Klabin s'est donné pour mission de sauvegarder localement. « Grâce au tourisme, ces espèces en danger ont plus de valeur vivantes que mortes, et tout le monde en bénéficie », explique notre hôte, qui se félicite d'avoir pu éduquer les gens du coin au nouvel écosystème. Il faut dire que, dans cette zone reculée du Brésil, les fazendeiros font pratiquement office de seigneurs suzerains chargés de faire vivre leurs sujets. Cent quatre-vingts personnes dépendent de Caiman, qui leur fournit emplois, école et assistance médicale.

Malgré les difficultés économiques du pays, la région se maintient et continue d'attirer des visiteurs internationaux, grâce à la renommée, notamment, d'un autre bijou local : le rio Sucuri. Localisée à quelques heures en voiture, cette « rivière anaconda » est une pure merveille. L'aventurier harassé par ses pérégrinations pantanalaises se demandera s'il n'a pas affaire à un mirage. On se laisse flotter, équipé d'un masque et d'un tuba, durant quarante minutes d'expérience sensorielle merveilleuse. L'eau y est translucide, le sable, virginal, les poissons, arc-en-ciel. La tête plongée dans ce jardin subaquatique aux formidables algues dansantes, les oreilles bercées par les bruissements de la forêt vierge, on s'imagine ailleurs. Peut-être dans l'un de ces univers fantastiques imaginés par James Cameron… Qui a dit qu'« Avatar » était sur une autre planète ?§ 

Y aller

Voyageurs du monde. L’agence conçoit des voyages sur mesure dans la région du Pantanal, paradis naturel, isolé du monde. Elle propose également divers forfaits vers cette destination. Exemples : Rio, Buzios et l’Amazonie, croisière privée à bord de l’« Amazon Ecoboat », embarcation en bois typique du bassin amazonien, 12 j. de 6 000 à 7 500 € ; Rio, Iguaçu, Salvador, triptyque mythique et apartés, 10 j. de 4 300 à 5 300 €. 01.84.17.21.65, www.voyageursdumonde.fr. 

Dormir

Refugio Ecologico Caiman. Implanté à l’extrémité sud du Pantanal, cet écolodge familial a su parfaitement doser l’alliance du luxe et du rustique. Suites bien équipées (photo) ou chambres pour amoureux, il y en a pour toutes les envies, réparties sur trois complexes disséminés à travers la propriété, de façon que chacun conserve son caractère sauvage.

On prend les repas (variés et copieux – on aura même goûté une délicieuse soupe aux piranhas !) entre pensionnaires de la maison en discutant avec le guide des excusions à venir. Ambiance décontractée mais service impeccable. Environ 500 euros la nuit en pension complète, www.caiman.com.br. 

Se restaurer

Taboa Cachaçaria. C’est l’établissement le plus couru de la petite ville de Bonito. Et pour cause : rien de plus sympathique que ce bar spécialisé dans la cachaça (le rhum brésilien). On se pose, la nuit venue, pour écouter un artiste de passage en dégustant des frites de manioc et en sirotant sa spécialité, la Taboa, une caïpirinha aux effluves de miel, de cannelle, de gingembre et de guarana. Un régal qu’il est possible de reconstituer chez soi : le bar a sa propre boutique d’artisanat et vend de jolies bouteilles qui feront d’excellents souvenirs. Compter entre 10 et 15 euros pour l’apéritif, www.taboabar.com.br.

yann ARTHUS-BERTRAND/hemis.fr – Alamy Stock Photo – Jon Arnold/hemis.fr – Eraldo Peres/AP/SIPA – Caiman.com (x 4)

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