Les tables qui comptent
Gratin. Dans les restaurants, les puissants ont leur place attitrée.
par Matthieu NoliTemps de lecture : 5 min
Thiou La plus UMP
C'est à la table ronde la plus éloignée de l'entrée de ce sublime restaurant thaïlandais que Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont enterré la hache de guerre, un matin de juin 2008. Mais chaque table de cet établissement, qui baigne dans une lumière parcimonieuse, respire le pouvoir. On croise, dans cette véritable cantine de l'UMP, Xavier Bertrand - le "chouchou" de la patronne -, mais aussi Jean-François Copé et même Cécilia Sarkozy, à chacune de ses escales parisiennes. Habituée des lieux, Valérie Trierweiler a fait découvrir ce restaurant à son compagnon, François Hollande. Après l'ancien et l'actuel président de la République, mme Thiou a la sagesse d'accueillir le favori des sondages, ce qui ne l'empêche pas d'afficher ses préférences...
49, quai d'Orsay. 01.40.62.96.50.
Tante Marguerite La plus socialiste
Afin d'être parfaitement hermétique, le salon du premier étage de ce restaurant situé à une centaine de mètres du Palais-Bourbon bénéficie d'un système de passe-plats qui garantit la confidentialité des conversations. C'est peut-être pour cela qu'il est réservé tous les mardis et mercredis, jours des questions à l'Assemblée, par les hiérarques du Parti socialiste, qui ont fait de ce relais Bernard Loiseau l'un de leurs quartiers généraux. Martine Aubry y déjeune régulièrement avec sa garde rapprochée. François Hollande, Arnaud Montebourg, Claude Bartolone et Jean-Christophe Cambadélis aussi, qui se rabattent, quand le salon est réservé, sur les tables d'angle de la première salle.
5, rue de Bourgogne. 01.45.51.79.42.
L'Arpège La plus secrète
Les tables les plus influentes sont aussi les plus secrètes. C'est au sous-sol du restaurant triplement étoilé de la rue de Varenne, dont la devanture est d'une rare discrétion, que se réunissent ministres et grands patrons désireux de savourer l'extraordinaire cuisine d'Alain Passard. Cette salle, dont la configuration varie en fonction du nombre d'invités, peut accueillir jusqu'à quatorze convives. Mais, lorsqu'il s'agit d'avouer le nom des invités, le chef breton se mure dans un silence granitique. Tout juste apprend-on que Xavier Darcos raffole de sa cuisine et que le Premier ministre, François Fillon, qui partage avec Alain Passard un attachement sarthois, aime venir en voisin- tout comme Henri Guaino, la plume du président Sarkozy.
84, rue de Varenne. 01.45.51.47.33.
Thoumieux La plus visible
Située à gauche de l'entrée de cette brasserie rachetée par le très médiatique Jean-François Piège en 2009 et quelque peu isolée des autres, cette petite table ronde est prise d'assaut par les politiques. Il faut dire qu'elle présente un double avantage : on est suffisamment proche pour être exposé aux regards des clients tout en étant assez loin pour éviter que des oreilles indiscrètes n'entendent les conversations. L'établissement perpétue ainsi une longue tradition : Chirac y aurait pour la première fois parlé de l'UMP et c'est sur une de ses banquettes en moleskine que Delanoë a annoncé à quelques fidèles son intention de briguer le poste de premier secrétaire du PS.
79, rue Saint-Dominique. 01.47.05.49.75.
Le Divellec La plus discrète
C'est une table discrète, située juste à droite de l'entrée du meilleur restaurant de poisson de la capitale. François Mitterrand s'y installait chaque semaine lorsqu'il venait déjeuner avec Mazarine."Personne n'en a jamais rien su, jusqu'au jour où un photographe est monté sur le toit de l'aérogare des Invalides", souffle Jacques Le Divellec, qui a fait de son établissement le carrefour obligé des plus hautes autorités de l'Etat. Nicolas Sarkozy a occupé cette table lorsqu'il est venu pour la première fois, en compagnie de Jacques Chaban-Delmas. Et Edouard Balladur l'exige chaque fois qu'il vient."Depuis le Bar 3, on voit tout le monde entrer, mais personne ne nous remarque", glisse l'imposant propriétaire des lieux, qui, avec son air matois de Raminagrobis culinaire, est l'expert incontesté de l'art du placement, un enjeu stratégique dans ces tables de pouvoir.
107, rue de l'Université. 01.45.51.91.16.
L'Esplanade La plus mondaine
Située sur l'esplanade des Invalides, cette brasserie labelisée Costes accueille une foule de députés et de conseillers ministériels à l'heure du déjeuner. Leur table préférée ? Celle du fond, le long de la terrasse. Pour y accéder, il faut au préalable traverser toute la salle dans un brouhaha indescriptible, serrer une quantité de mains, échanger quelques sourires et bons mots. Pour la discrétion et la tranquillité, on repassera... Peut-être le lendemain matin, à l'heure du petit déjeuner, quand les élus de tout bord organisent des réunions matinales. L'esprit show-off de la veille laisse alors la place à une ambiance plus studieuse, en particulier dans le petit salon de douze places situé en face de l'entrée.
52, rue Fabert. 01.47.05.38.80.
La Cigale Récamier La plus oecuménique
C'était un dimanche de juin 2009. Alors que son mari était retenu par des obligations protocolaires, Michelle Obama a dégusté avec ses filles les excellents soufflés préparés par Gérard Idoux."Elle a dîné à la même table que George W. Bush, celle qui est située au bout du bar, derrière le comptoir", sourit le propriétaire de La Cigale Récamier. Reste que cette vénérable maison n'est pas un repaire de touristes américains en goguette, si puissants soient-ils. Située au carrefour du 6e et du 7e arrondissement, dans une discrète impasse, La Cigale Récamier voit cohabiter le temps d'un repas journalistes et hommes d'affaires, avocats et ministres, députés, sénateurs et écrivains.
4, rue Récamier. 01.42.22.51.75.
Café de l'Alma La plus people
Michel Drucker y vient en voisin. Il s'installe à la table 12, à gauche de l'entrée, juste sous l'escalier. L'homme de télévision peut y croiser d'autres habitués comme Jean-Paul Belmondo ou François Bayrou, qui organise des petits déjeuners politiques dans le petit salon du premier étage. Dire qu'il y a quinze ans le Café de l'Alma était un bar-tabac de quartier comme il en existe tant d'autres à Paris ! Jacques Boudon a transformé le bistrot familial en un bar à la mode. Un pari osé dans cette partie de l'arrondissement désertée par TF1. Mais il a eu la chance de voir arriver Artmedia, la plus grande agence artistique européenne. Depuis, le Café de l'Alma ne désemplit pas. Et son patron, qui possède également La Fontaine de Mars et Le Petit Cler, peut se frotter les mains.
5, avenue Rapp. 01.45.51.56.74.
Chez Françoise La plus ancienne
Ici, difficile de distinguer une table plutôt qu'une autre. Même si, explique le directeur de l'établissement, Jean-Christophe Trubert,"certains élus, comme Dominique Bussereau, viennent si souvent qu'ils ont leur table attitrée". L'établissement compte plusieurs salons, en particulier celui des Premiers ministres, pour des réunions plus confidentielles entre élus du même bord ou sur invitation des nombreux cabinets de conseil en lobbying du quartier. Dernière anecdote : c'est d'ici, au cours d'un déjeuner avec des journalistes, qu'est partie la polémique sur le "sale mec" supposé de François Hollande à l'encontre de Nicolas Sarkozy.
Esplanade des Invalides. 01.47.05.49.03.