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Vendredi, la ministre de la Culture accorde une , fondateur du magazine Polka sur le photojournalisme. Interrogée sur le droit à l'image et plus spécifiquement sur la loi Guigou, la ministre fait part de son intention de la "revoir". Cette loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence vise à améliorer les garanties offertes aux personnes mises en cause par la justice. Entre autres dispositions, elle interdit de photographier une personne menottée ou entravée alors qu'elle est mise en cause dans une affaire judiciaire. Ce texte de loi s'est particulièrement fait connaître lors de l'affaire DSK. Il aurait dû interdire aux médias français de diffuser des images de celui qui était encore directeur du FMI, menotté au beau milieu d'une salle d'audience, alors même qu'aucun tribunal ne l'avait jugé coupable.
Que la ministre de la Culture veuille "revoir cette loi" est déjà étonnant. Mais les raisons invoquées le sont plus encore. Elle estime en effet qu'il n'est "plus acceptable et même plus supportable que des photographes professionnels, qui ont une démarche artistique, soient empêchés de pouvoir exercer leur talent". Comme le fait remarquer Emmanuel Derieux, professeur de droit des médias à l'université Panthéon-Assas, Aurélie Filippetti délivre ici un "discours très littéraire et artistique", mais "excessif". Face à la présomption d'innocence, la liberté d'expression et la création artistique doivent-elles vraiment primer ?
Protéger la présomption d'innocence
Il est indéniable que cette interdiction au nom de la présomption d'innocence, typique du droit français, est archaïque. La ministre de la Culture a d'ailleurs bien relevé ces contradictions. "C'est d'autant plus insensé qu'en même temps, sur le Net, des millions d'images circulent, sans que l'on sache qui les a prises et dans quelles circonstances. Cette dichotomie entre l'interdiction aux professionnels et ce qui se passe sur Internet est insupportable", remarque Aurélie Filippetti. Même si elles n'étaient pas autorisées en France, les images de DSK arrêté par la police ont effectivement fait le tour du monde. Mais mondialisation de l'information ou pas, tant que l'article 35 ter de la loi de 1881 existera, il sera toujours condamnable de publier à la une d'un journal la photographie d'un homme menotté non condamné. Veut-elle véritablement en finir avec cette possibilité donnée aux personnes prises dans la tourmente judiciaire ?
Mais au fait, que critique-t-elle ? S'agit-il de l'article 35 ter de la loi de 1881 sur l'interdiction de représenter des personnes menottées ? Ou alors de l'article 35 quater qui prévoit l'interdiction de reproduire les "circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime" ? Ces deux articles sont en effet les deux seuls de la loi sur la liberté de la presse qui traitent de la question du droit à l'image. Aurélie Filippetti n'a pas donné de précision.
Cafouillage de la ministre ?
En réalité, il se pourrait bien que la ministre de la Culture "se soit pris les pieds dans le tapis", comme le suggère Jean-Yves Dupeux, avocat en droit de la presse, notamment connu pour avoir défendu Brice Hortefeux. "D'après moi, Aurélie Filippetti pourrait avoir confondu la loi Guigou avec l'article 9 du Code civil, qui dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée", suggère l'avocat. Selon ce principe, le consentement de la personne photographiée est normalement nécessaire. Par exemple, à l'occasion du tournoi de tennis de Roland Garros, une photographie d'un couple dans les tribunes avait été prise au téléobjectif. L'atteinte au droit à l'image a été reconnue. Mais des exceptions sont déjà prévues pour les photojournalistes, qui peuvent, selon certaines conditions, exercer leur métier librement lors d'événements d'actualité et de manifestations publiques. Le cadrage ne doit simplement pas isoler une personne par rapport à une autre et ne doit pas porter atteinte à la dignité. Une disposition qui satisfait tout le monde : "Il y a une interprétation assez libérale à l'égard des journalistes", confirme l'avocat.
Le message principal de la ministre était que les photojournalistes accomplissent "une mission d'intérêt général, celle d'informer le public de ce qui se passe". Et que la législation française, trop stricte, ne doit pas faire courir le "risque de se couper de notre mémoire" en restreignant la pratique des photographes. Mais en réformant la loi Guigou, Aurélie Filippetti ouvrirait grand la porte à d'autres tabous du droit français. Parmi lesquels, au premier plan, trône l'interdiction de prendre des photographies dans l'enceinte d'un tribunal.
Contacté par Le Point.fr pour éclaircir la situation, une réponse du cabinet ministériel nous est parvenue : "No comment."
Les autres ne valaient guère mieux.
Elle se prend les pieds dans le tapis maintenant quasiment chaque semaine ! A quand le prochain remaniement ? Elle ne fera pas un 2e "mandat"...
... elle ne révolutionne pas le monde...