Ça (d'après Stephen King) vaut-il le déplacement ?

Les fans l'attendaient avec impatience... Le clown-tortionnaire s'apprête à terroriser les salles obscures pour la première fois. Notre verdict !

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Ça est la meilleure adaptation d'un roman de Stephen King depuis The Mist. 
Ça est la meilleure adaptation d'un roman de Stephen King depuis The Mist.  © Warner Bros

Temps de lecture : 7 min

2017 est l'année du grand retour de Stephen King. L'écrivain, qui fêtera ses 70 ans le 21 septembre prochain, est sur tous les fronts et sa petite entreprise ne connaît pas la crise. Ou presque. Si La Tour sombrea été un fiasco retentissant cet été, l'événement cinématographique le plus attendu de l'année par les admirateurs du romancier est sans conteste Ça (It en VO).

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Ce foisonnant roman, paru en 1986 aux États-Unis, a demandé quatre ans de labeur à Stephen King. Comme il était impossible à l'époque de condenser près de 1 200 pages en un film de cinéma, Ça deviendra d'abord un téléfilm de 3 h 07 diffusé en France, en 1993 sur M6 sous le titre Il est revenu. Globalement réussie, cette mini-série va traumatiser toute une génération de spectateurs…

Vingt-sept ans plus tard, une première adaptation de Ça voit enfin le jour au cinéma. Le film est produit par New Line Cinema (les franchises Conjuring et Annabelle) et réalisé par l'Argentin Andrés Muschietti, révélé en 2013 par Mamá. Si le livre du King débutait en 1957, le cinéaste décide de déplacer l'action de son long-métrage à la fin des années 1980. On pourrait trouver ce choix assez opportuniste, vu la résurgence de cette décennie dans d'innombrables productions qui jouent sur la nostalgie de cette époque (comme Super 8 de J. J. Abrams ou la série de Netflix Stranger Things). Mais Andrés Muschietti, né en 1973, avait le même âge que ses héros en 1988 : 15 ans. Le film se révèle alors plus personnel qu'il n'y paraît. Par sa durée (2 h 15), Ça est une œuvre avec une vraie ambition. Ce premier chapitre (car un deuxième opus devrait être tourné en 2018) se focalise sur l'adolescence des héros du livre – alors que le téléfilm faisait d'incessants allers-retours entre deux périodes (l'enfance des protagonistes dans les années 1960 et leurs retrouvailles, à l'âge d'adulte, en 1990).


Le club des adorables ratés

Si la construction du film est différente, il raconte la même histoire, mais cette fois de façon linéaire : dans la petite ville de Derry, plusieurs disparitions d'enfants sont signalées. Certains ont d'ailleurs été assassinés dans des conditions atroces. Car une étrange malédiction frappe cette ville maudite tous les vingt-sept ans. Sur place, sept adolescents – six garçons et une fille – sont assaillis par d'effroyables visions. Ils sont en effet les seuls à apercevoir dans la rue un clown pervers et diabolique se faisant appeler Grippe-Sou (mais qu'ils ont baptisé « Ça »). Une entité maléfique qui prend différentes formes et se nourrit de la peur des enfants. En formant « le club des ratés » (« The Losers Club »), la petite bande va lutter contre l'horrible créature et tenter d'enrayer un nouveau cycle meurtrier.

Le club des Losers. ©  Warner Bros.
Le club des Losers. © Warner Bros.

À la manière de Stand by Me, Andrés Muschietti rend attachant chacun de ces enfants mal-aimés. À commencer par le leader du groupe, « Bill le bègue » (Jaeden Lieberher, découvert l'an passé dans Midnight Special) qui culpabilise de la mort de son petit frère, Georgie. C'est en effet lui qui l'a laissé aller jouer dehors sous la pluie, après lui avoir confectionné un bateau en papier. Et quand le bambin suivra ce bateau dérivant dans le caniveau, il tombera par malheur sur ce clown démoniaque qui le noiera dans les eaux putrides des égouts ! Mais le jeune héros du film n'est pas le seul enfant malheureux de la bande : Ben (Jeremy Ray Taylor) est devenu la tête de Turc de la brute du lycée, en raison de son obésité. Richie (Finn Wolfhard, de la série… Stranger Things !) est bigleux. Eddie (Jack Dylan Grazer), asthmatique et hypocondriaque. Stanley (Wyatt Oleff, aperçu dans Les Gardiens de la Galaxie) est persécuté à cause de ses origines juives. Et Mike (l'acteur afro-américain Chosen Jacobs), victime de préjugés raciaux. Tous ces garçons sont amoureux de Beverly (l'émouvante Sophia Lillis), le membre du groupe qui endure sans doute le pire calvaire : la violence domestique. La jeune fille rousse a en effet un père violent qui la bat régulièrement. Et qui commence à lui tourner autour. Car les monstres ne surgissent pas toujours la nuit du placard de la chambre des enfants. Parfois, ils prennent visage humain. Et représentent une menace bien plus grande en dormant sous le même toit que leur progéniture.

Des parents monstrueux

Si la dimension pédophile de Grippe-Sou n'avait pas échappé à Stephen King (il s'est inspiré pour son croquemitaine du serial killer John Wayne Gacy, qui endossait dans les années 1970 une panoplie de clown pour commettre des abus sexuels sur mineurs), la trouble relation incestueuse entre la petite Beverly et son père est tout aussi dérangeante. Dans une séquence particulièrement éprouvante du film, Beverly est aspergée par un geyser de sang jaillissant du lavabo de sa salle de bain. Alerté par ses cris, son père accourt dans la pièce… mais ne voit pas le sang qui recouvre les murs. Comme il ne voit pas sa fille grandir et devenir une femme. Avec cette scène de « tuyauterie », dont le symbolisme parlera forcément aux psychanalystes, Muschietti fait presque aussi fort que De Palma quand il examinait les premières règles douloureuses de Carrie.

Dans Ça, les parents sont d'ailleurs tous monstrueux. Bill n'existe plus aux yeux des siens depuis la mort de son petit frère Georgie. Aussi envahissante qu'hyperprotectrice, la mère corpulente d'Eddie entretient la névrose de son fils pour les maladies. Et le comportement violent d'Henry Bowers (Nicholas Hamilton, vu dans Captain Fantastic), qui persécute avec son gang les élèves du collège, s'explique en partie par l'influence néfaste de son père – un officier de police aux méthodes brutales. On se souvient alors que le père de Stephen King abandonna le domicile familial pour ne jamais réapparaître alors qu'il avait deux ans. Les relations conflictuelles entre parents et enfants sont au cœur de toutes ses œuvres.

It_08312016_Day 46_11374.dng © Brooke Palmer Brooke Palmer
It_08312016_Day 46_11374.dng © Brooke Palmer Brooke Palmer


La meilleure adaptation de Stephen King depuis The Mist

Comme le Père Noël, les clowns sont a priori perçus comme des figures bienveillantes. Mais Ça détourne l'image positive de l'artiste comique du cirque. Dans le costume grotesque et bariolé de Grippe-Sou, le comédien suédois Bill Skarsgard (fils du génial Stellan et jeune frère d'Alexander, de la série True Blood) réussit à faire oublier la prestation, pourtant mémorable, de Tim Curry, le savant fou de The Rocky Horror Picture Show et le diable cornu de Legend de Ridley Scott dans la mini-série. Le visage boursouflé par le mal, le strabisme parfois divergent, ce monstre sadique et ricaneur, aux dents acérées comme des lames de rasoir, est la grande attraction de ce film d'épouvante. Skarsgard apporte en effet une vraie folie à ce clown-tueur, matérialisant toutes les angoisses et les mauvaises pensées des citoyens de Derry. Il nous venge d'ailleurs de toutes les vidéos douteuses qui fleurissent sur le Net depuis des années, où de petits plaisantins, déguisés en clowns maléfiques, terrorisent les passants en caméra cachée.

Mais le long-métrage de Muschietti ne se résume pas à des litres d'hémoglobine, même s'il va assez loin dans la représentation de la violence. Certaines séquences horrifiques sont d'ores et déjà estampillées cultes (la première apparition de Grippe-Sou, la rencontre d'Eddie avec un SDF lépreux, l'agression de Stanley par une femme échappée d'un tableau modiglianiesque, la séance diapo qui tourne mal). Très soigné visuellement, le film est surtout une belle histoire d'amitié et de solidarité entre une bande de jeunes adolescents un peu exclus. Il y a du cœur dans cette œuvre d'une grande tendresse avec ses personnages, touchants et bien dessinés. Ce qui fait de Ça la meilleure adaptation de Stephen King au cinéma depuis The Mist, il y a dix ans. Car l'œuvre est d'une grande richesse thématique et très fidèle à l'esprit et à l'imaginaire du maître de l'épouvante.

Tournée à Port Hope, dans l'Ontario, au Canada, cette chronique sensible de l'adolescence est aussi irréprochable sur la forme (photo, direction artistique, mixage sonore). Et sa bande-son 80's combinant The Cure, le groupe de thrash metal Anthrax, le rappeur Young MC… et le boy band ringard New Kids on the Block est jouissive ! On attend maintenant de pied ferme le retour du « club des ratés » dans un deuxième chapitre, situé trente ans après les événements du premier film (l'action se déroulera de nos jours). Nos héros devront surmonter leurs peurs et retourner à Derry pour vaincre Grippe-Sou et retrouver la paix intérieure. La productrice Barbara Muschietti a déjà annoncé que Jessica Chastain était envisagée pour tenir le rôle de Beverly adulte. Et son frère Andrés a fait savoir qu'il aimerait beaucoup tourner un remake d'un autre classique de Stephen King, Simetierre. En attendant, saisissez le ballon rouge que vous tend Grippe-Sou !

Le clown de Ça.  ©  Warner Bros.
Le clown de Ça.  © Warner Bros.

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Commentaires (3)

  • Duagt

    Encore de la morale neuneu quon se sent obligé de mettre dans CHAQUE film depuis quelques annes sur lantiracisme, le feminisme ou le lgbt.
    ou parfois les 3.
    ils commencent vraiment a nous soulez avec leur allusion et leur bourrage de crane de morale. Arretez de faire de la politique les artistes. On est grand on sait penser tout seul.
    ce bourrage de crane aussi subtil veut il etre, dans des films dont le sujet na rien a voir, finit par gacher tout plaisir par le simple fait den remarquer systematiquement lexistence.

  • guy bernard

    Le film TV faisait peur à ma petite chienne Inès qui était effrayée par le clown avec sa chevelure rouge et ses petites dents.
    c'était la principale attraction de ce film délirant où un meurtrier sanglant passe des heures en maquillage avant de céder à des pulsions meurtrières et irraisonnées.

  • AwtyBiblio

    Le film (pas le livre) rappelle tout de même beaucoup les Griffes de la nuit.