Rentrée hors norme à l'Institut de France

Les académiciens se réunissent traditionnellement fin octobre pour une séance exceptionnelle. Covid oblige, cette année, l'événement ne ressemble à aucun autre.

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L'Institut de France abrite près d'une centaine de fondations qui remettent, chaque année, pour 25 millions d'euros de prix, de récompenses et de bourses. Le 25 octobre 2020, jour de la rentrée solennelle des cinq Académies qui le composent, a coïncidé avec la remise des dix « grands prix » de l'Institut.
L'Institut de France abrite près d'une centaine de fondations qui remettent, chaque année, pour 25 millions d'euros de prix, de récompenses et de bourses. Le 25 octobre 2020, jour de la rentrée solennelle des cinq Académies qui le composent, a coïncidé avec la remise des dix « grands prix » de l'Institut. © DR

Temps de lecture : 4 min

Depuis plus de deux siècles, la dernière semaine du mois d'octobre marque habituellement la rentrée solennelle de l'Institut de France. Le mardi le plus proche du 25 octobre, date anniversaire de la fondation de l'institution en 1795, une séance exceptionnelle se tient sous la Coupole de l'ancienne chapelle du collège des Quatre-Nations.

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À cette occasion, les près de 480 membres des cinq Académies qui le composent, à commencer par l'Académie française fondée par le cardinal de Richelieu en 1635, écoutent religieusement des délégués de chacune de ces maisons déclamer un discours sur un thème imposé. Cette année, le sujet retenu est « la différence ». Le Point vous propose ces exposés en exclusivité.

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Malgré l'épidémie de coronavirus, la tradition aura été respectée le 27 octobre 2020. Mais Covid oblige, l'événement se sera déroulé, à huis clos. Pour la première fois de l'histoire de l'Institut, aucun visiteur n'a été autorisé à se glisser dans la grande salle des séances où se tenait l'événement, la Coupole étant en travaux.

Entamée à 15 heures, la réunion, diffusée exceptionnellement sur Internet, aura permis à Jean-François Mattei, délégué de l'Académie des sciences morales et politiques, de discourir sur « les différents modes de confiance face à l'adversité ». Philippe Garel, représentant l'Académie des beaux-arts, aura, de son côté, réfléchi sur « la querelle des différences », pointant ce qui distingue l'œuvre picturale d'Ingres de celle de Delacroix.

Yvon Le Maho, délégué de l'Académie des sciences, se sera penché sur la question de savoir « comment les animaux fonctionnent dans la nature » en examinant les similitudes et les différences des espèces : du passereau migrateur au manchot empereur. Dominique Barthélemy, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, aura interprété différemment la consigne en choisissant de répondre à la question « notre chevalerie ressemblait-elle à celles d'Orient ? »

Appel à la tolérance

La plus stimulante prise de parole aura, sans conteste, été celle de Barbara Cassin. La philosophe, élue en mai 2018 à l'Académie française, aura en effet planché sur l'articulation des concepts de « différence et différences ». C'est « un sujet dans le vent », aura-t-elle relevé dès son introduction. Citant à la fois Deleuze (Différence et Répétition, 1968) ; Derrida (La Différance, 1968) et Lyotard (Le Différend, 1983), la philologue se sera naturellement tournée vers « la pluralité des langues » pour creuser la question.

C'est chez Hannah Arendt qu'elle aura trouvé de quoi éclairer ces notions, transformant ce qui aurait pu être un triste exposé rhétorique en un riche plaidoyer en faveur d'« une diversité en acte ». Le respect de cette diversité, a-t-elle précisé, « pourrait bien servir de paradigme et de boussole pour les hommes des sombres temps, que nous sommes en ce moment même ». Un appel à la tolérance bienvenu. « En partant du singulier pour le pluriel, on passe du philosophique au politique », a-t-elle ainsi ajouté.

Grands prix…

Ces exposés auront été suivis par la cérémonie de remise des dix « grands prix » qui n'avait pu se tenir le 4 juin dernier. La romancière Joyce Carol Oates s'y est vu remettre (à distance) le prix mondial Cino Del Duca pour l'ensemble de son œuvre. La récompense avait couronné, l'an dernier, l'écrivain Kamel Daoud (collaborateur au Point). Le grand prix scientifique de la même fondation couronne le travail de Gérard Eberl, de l'Institut Pasteur, dans le domaine des « symbioses ». La mission franco-hellénique de Dikili Tash en Grèce dirigée par Pascal Darcque se voit gratifier du grand prix d'archéologie.

La fondation Charles Defforey récompense, cette année, Jean-Luc Beuzit et ses collègues chercheurs au CNRS, à l'Onera, à l'Observatoire de Paris (Anthony Boccaletti, Gaël Chauvin, Thierry Fusco, Maud Langlois et David Mouillet), pour leur projet « préparer la prochaine génération d'imageurs d'exoplanètes ».

Le grand prix sociétal est remis à l'association 1001mots représentée par son directeur, Florent de Bodman. Le grand prix culturel honore l'association Lire et faire lire, présidée par Michèle Bauby-Malzac. Quant au grand prix humanitaire, il récompense le Samu social de Paris, en la personne de sa directrice générale, Christine Laconde. Le prix Christophe Mérieux, consacré à la lutte contre les maladies infectieuses dans les pays en développement, a par ailleurs été remis à Quarraisha Abdool Karim, pour le Centre de recherche sur le sida en Afrique du Sud (Caprisa).

… riches dotations

Ces grands prix sont richement dotés. Les récompenses qui les accompagnent oscillent entre 150 000 et 500 000 euros. « Leur objet est d'encourager des projets utiles à la cohésion sociale, à la création artistique et à la recherche scientifique », expose Xavier Darcos, chancelier de l'Institut.

Il est écrit, dans ses statuts, que « l'Institut contribue à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres, des sciences et des arts, et décerne des récompenses aux inventions et découvertes utiles, aux succès distingués dans les arts, aux belles actions et à la pratique constante des vertus domestiques et sociales ».

Dans cette perspective, les Académies remettent, chaque année, près de 25 millions d'euros sous forme de prix, bourses et subventions à travers l'action d'une centaine de fondations abritées en son sein. Les jurys qui président à l'attribution de ces prix sont composés d'académiciens choisis en fonction de leur domaine d'expertise et de la nature des travaux à récompenser.

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