Dans la chambre secrète de Michel-Ange

En 1530, l'artiste se réfugiait dans la cave d'une chapelle de Florence. Les dessins réalisés sur ces murs sont enfin dévoilés au public. Visite.

Par , envoyé spécial à Florence

Dans le dessin à gauche, on devine un détail emprunté à la fresque
Dans le dessin à gauche, on devine un détail emprunté à la fresque "La création du Soleil et de la Lune" (1508-1512) de la Chapelle Sixtine. © Claudio Giovannini/AFP - Electa/Leemage

Temps de lecture : 6 min

À gauche derrière l'autel de la sacristie Neuve de San Lorenzo : un réduit grand comme un placard à balais. Sur le sol : une planche de la taille d'une porte qui se soulève grâce à un antique système de poulies et de contrepoids en dévoilant une volée de marches étroites et raides. Odeur de cave humide et lueur blafarde d'un éclairage au néon. Et sur les murs de la cave de 7 mètres sur 3, de pâles gribouillis.

Des gribouillis ? Pas exactement. En s'approchant, l'oeil découvre un pied de face et un talon levé qui évoquent le David de Michel-Ange. En face, une fabuleuse tête de Laocoon. Plus loin, une femme en pied de 2 mètres de hauteur. Son visage est à peine esquissé, mais l'artiste en a fait à côté une version agrandie. C'est la Léda, tableau perdu de Buonarroti dont on ne connaît qu'une étude préparatoire. Dans le coin de paroi encore libre, une jambe massive grimpe jusqu'à la voûte : la jambe du David Apollon du musée des Offices. Un nu féminin alangui lève le bras gauche comme le personnage féminin de La création du Soleil et de la Lune de la chapelle Sixtine. Des corps flottent dans l'espace : encore la Sixtine. Un index se tend en apesanteur. Il ne peut appartenir qu'à ET... ou plus sûrement au Jugement dernier. Et ce n'est pas fini : une tête de faune ou de cheval, un Christ ressuscité étonnamment moderniste, des nus, des détails anatomiques... Les dessins se croisent, se chevauchent, grimpent dans la voûte ou vont se perdre dans un retrait de soupirail. Comme sur le gigantesque carnet d'esquisses d'un artiste qui n'aurait eu que les murs de sa prison et du charbon de bois pour s'exprimer. Un artiste qui s'appelait Michelangelo Buonarroti.

À g. : dessin mural du tombeau de Julien de Médicis, duc de Nemours (1526-1531). Même "à l'ombre" l'artiste travaille.

La famine et la peste

Que font là ces dessins qui, aujourd'hui, sont enfin montrés au public ? Retour en 1530, à Florence. Michel-Ange est une star. Les Médicis l'ont accueilli à 14 ans pour ses dons de sculpteur au jardin de Saint-Marc, l'académie où l'on enseigne la philosophie, l'astrologie, la religion et les arts. À 15 ans, il y réalise la Vierge à l'escalier et, à 17 ans, l'hallucinante Bataille des Centaures. À 21 ans, il pose ses ciseaux sur un bloc de marbre de Carrare abandonné par d'autres sculpteurs. Le David est sur le point de naître et les Médicis confieront à Michel-Ange la façade de l'église de famille.

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