Proche-Orient : qu’est-ce que l’« intifada » ?

Le Hamas appelle à un nouveau soulèvement après la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.

 Des heurts entre Palestiniens et force de l’ordre israéliennes ont éclaté jeudi.
Des heurts entre Palestiniens et force de l’ordre israéliennes ont éclaté jeudi. AFP

    Une « troisième intifada » est-elle sur le point d'éclater au Proche-Orient? La reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'Etat hébreu par Donald Trump ravive les tensions entre Palestiniens et Israéliens.

    Jeudi, le mouvement islamiste Hamas, qui gouverne la bande de Gaza, a appelé à un nouveau soulèvement populaire (« intifada » en arabe). « On ne peut faire face à la politique sioniste soutenue par les Etats-Unis qu'en lançant une nouvelle intifada », a déclaré le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh.

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    Des rassemblements pacifiques et quelques heurts ont eu lieu ces derniers jours pour dénoncer la décision américaine, vécue comme une provocation. Des modes de protestation qui sont, pour l'instant, très éloignés des deux épisodes de flambée de violences qui avaient ensanglanté la région en 1987 et en 2000.

    1987 : la première « guerre des pierres » éclate

    L'expression « intifada » est entrée dans l'histoire il y a trente ans. Pour le Petit Robert, ce nom sert à qualifier la « lutte menée à jets de pierres par les jeunes Palestiniens contre les Israéliens ».

    Depuis la création de l'Etat d'Israël, des heurts avaient bien eu lieu entre Palestiniens et Israéliens, mais sans atteindre l'ampleur de l'insurrection de 1987. Le 6 décembre 1987, un officier israélien est assassiné à Gaza. Le 8 décembre, un camion israélien percute une voiture palestinienne, faisant trois morts et des blessés graves. Cet accident met le feu aux poudres. Des émeutes se déclenchent dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie.

    De jeunes Palestiniens lancent des pierres et des objets incendiaires sur les militaires israéliens. La génération née après la guerre des six jours, frappée par le chômage et la misère, se révolte contre l'occupant israélien. Les images de ces affrontements font le tour du monde. Des actions de boycotts de produits israéliens, de grèves et de non-paiement des taxes se généralisent. Les différents groupes politiques palestiniens parviennent à se fédérer pour soutenir la révolte.

    Côté israélien, la répression se durcit. Les arrestations, couvre-feux et destructions de maisons se multiplient. A partir de 1988, l'armée israélienne utilise des balles en caoutchouc pour disperser les émeutiers.

    La « guerre des pierres » s'essouffle et s'éteint en 1989. Le bilan humain est très lourd. « L'intifada se solde par 1 260 Palestiniens tués par l'armée israélienne ou des colons, 970 Palestiniens "collaborateurs" et 205 Israéliens tués par les Palestiniens », écrit le sociologue Olivier Carré, spécialiste du nationalisme arabe.

    Un processus de négociation politique s'ouvre dans les années suivantes. La conférence de Madrid, en 1991, puis les accords de paix d'Oslo, en 1993, mettent fin à ce qui sera nommé, rétrospectivement, « la première intifada ».

    De 2000 à 2005, nouvelle insurrection sanglante

    Les négociations pour une paix durable ne tiennent pas leurs promesses. Les accords d'Oslo sont contestés par les deux camps. Le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin est assassiné par un extrémiste juif. Les pourparlers de Camp David échouent en juillet 2000.

    Côté palestinien, la frustration et la colère ne demandent qu'à s'exprimer. En septembre 2000, Ariel Sharon, qui n'est pas encore Premier ministre israélien, se rend sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem. Cette visite déclenche l'« intifada Al-Aqsa », du nom de la célèbre mosquée qui se trouve sur l'Esplanade.

    Cette insurrection est encore plus violente que la première. Des dizaines d'attentats-suicides menés par des Palestiniens tuent des civils. Le conflit prend une tournure militaire. Israël a recours à des frappes aériennes et des assassinats ciblés. La spirale de violences dure cinq longues années, au cours de laquelle 3 000 Palestiniens et 1 000 Israéliens seront tués.

    La menace de « troisième intifada » brandie par le Hamas

    Dans la foulée de la « deuxième intifada », en 2006, le parti islamiste Hamas, proche des Frères musulmans, prend le pouvoir dans la Bande de Gaza. Les attentats suicides cessent mais le Hamas soutient le tir de roquettes et de missiles sur les villes israéliennes.

    De décembre 2008 à janvier 2009, l'opération militaire israélienne « Plomb Durci » se traduit par des raids, des bombardements aériens et une offensive terrestre. Après cette offensive, Khaled Mechaal, le chef du Hamas en exil, appelle à une nouvelle intifada. La population palestinienne ne se soulève pas en masse comme en 2000. Mais des évènements violents continuent d'alimenter la haine entre les deux parties.

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    En 2014, l'enlèvement et l'assassinat de trois jeunes Juifs dans le secteur d'Hébron marque le début d' une nouvelle escalade. En 2015, débute ce qui a été baptisé « intifada des couteaux ». Des centaines d'attaques à l'arme à blanche et des attentats à la voiture-bélier sont commis. Des rassemblements palestiniens sont réprimés par des militaires infiltrés.

    Une fois de plus, la menace d'une « troisième intifada » est agitée par les islamistes du Hamas. Mais le bilan humain de ces actes de terrorisme n'est pas comparable à celui des embrasements collectif des intifadas de 1987 et 2000.