Alep, jusqu'au bout de l'enfer

SYRIE. Depuis vendredi, la partie rebelle de la ville est la cible d'intenses bombardements.

    Un déluge de fer et de feu sans précédent s'abat depuis quelques jours sur la partie rebelle d'Alep. Après plus de cinq ans de guerre en Syrie et plusieurs cessez-le-feu qui n'ont jamais été respectés, Bachar al-Assad et son allié russe ont décidé d'intensifier les bombardements aériens en utilisant des munitions extrêmement puissantes, capables de faire s'effondrer des immeubles de plusieurs étages. « On dirait que Poutine veut appliquer à Alep la méthode utilisée à Grozny, en Tchétchénie : raser la ville pour forcer la population à fuir et en prendre le contrôle. Et tant pis pour les dégâts humains », constate, impuissant, un diplomate français.

    L'approvisionnement en eau a été coupé


    La deuxième ville de Syrie est divisée en deux depuis 2012. La partie gouvernementale (1,2 million d'habitants) est relativement épargnée par les combats tandis que la partie rebelle, à l'est (250 000 habitants), est pilonnée par les avions et les hélicoptères du régime. Cet été, l'armée d'Assad — avec l'appui des Russes — est parvenue à encercler les quartiers hostiles à Damas. Le siège est désormais total malgré plusieurs tentatives des rebelles d'ouvrir le passage.



    « Aucun convoi humanitaire n'a pu pénétrer à Alep depuis des semaines. Les habitants manquent de tout, de nourriture, de médicaments. Les hôpitaux sont particulièrement ciblés », s'alarme Jean-François Corty, de l'association Médecins du monde. Le bilan depuis vendredi est de 128 morts, dont une vingtaine d'enfants, et des centaines de blessés. Faute de centres de soins normalement équipés et de médecins disponibles, les amputations sont réalisées à la hâte, dans des conditions totalement insalubres. Facteur aggravant : l'approvisionnement en eau a été délibérément coupé par les raids du régime. Les rares témoignages venus d'Alep sont accablants : des familles entières parcourent la ville à la recherche de nourriture tandis que les sous-munitions non explosées (mais toujours dangereuses) jonchent les rues.



    D'ordinaire réservés, afin de ne pas froisser Poutine, acteur clé dans le dossier syrien, les Occidentaux sont cette fois sortis de leur silence lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU. « Ce que la Russie soutient et fait à Alep, ce n'est pas de la lutte antiterroriste, c'est de la barbarie », a attaqué l'ambassadrice américaine, Samantha Power. « Des crimes de guerre sont commis. Ils ne peuvent pas rester impunis », a enchaîné son homologue français, François Delattre. L l'ambassadeur britannique aux Nations unies a même évoqué une possible saisine de la Cour pénale internationale. De son côté, Moscou reste inflexible et demande aux Etats-Unis d'organiser la séparation entre l'opposition modérée et les djihadistes hostiles au régime avant d'envisager une nouvelle trêve. Hier soir, les raids aériens se poursuivaient au-dessus d'Alep.