« C’est sûr que ce n’est pas les Maldives » : pourquoi la couleur de la Seine est-elle marron ?

Depuis quelque temps, la Seine en crue prend des teintes marron. Une couleur associée à tort à la saleté et qui reste un frein psychologique important à la baignade, prévue en 2025.

Paris, le 2 mars. Depuis une semaine, la Seine est placée en vigilance jaune par Vigicrues. Elle prend des teintes marron, une couleur associée à la saleté. LP/Julien Lec'hvien
Paris, le 2 mars. Depuis une semaine, la Seine est placée en vigilance jaune par Vigicrues. Elle prend des teintes marron, une couleur associée à la saleté. LP/Julien Lec'hvien

    La couleur de la Seine provoque un certain remous chez les Parisiens. Depuis quelques jours, le fleuve en crue, gonflé par les précipitations, hésite entre 50 nuances de brun. Adossé au viaduc du pont de Bir-Hakeim (XVe), Emerik, 25 ans dont huit à Paris, ironise : « C’est sûr que ce n’est pas les Maldives ou Bali, mais ce n’est pas nouveau. On m’a toujours dit que la Seine était sale, je pense que personne ne s’y baignera, même à l’invitation du gouvernement. »

    Un clin d’œil aux déclarations successives d’Anne Hidalgo puis d’Emmanuel Macron, qui a promis de profiter des travaux liés aux Jeux olympiques pour piquer une tête dans la Seine, où doivent se tenir les épreuves de triathlon et de nage en eau libre cet été. Depuis 2016, 1,4 milliard d’euros ont été investis par l’État et les collectivités locales franciliennes pour rendre baignables la Seine et la Marne, son principal affluent.

    La confiance de la maire PS de Paris et du président de la République n’a pas manqué de faire réagir certains internautes pour qui la couleur marron du cours d’eau est synonyme d’insalubrité.

    « C’est simple : une rivière, c’est de l’eau et des alluvions, explique Nathalie Carcaud, professeure à l’Institut Agro et spécialiste des paysages fluviaux. Ces alluvions en suspension viennent du bassin versant de la Seine et donc des sols érodés par les pluies qui rejoignent ensuite la Seine. C’est ce qui donne l’aspect trouble à l’eau. »

    Ce phénomène est donc plus fréquent en hiver, lorsque les conditions d’une pluie abondante ou prolongée sont réunies. Selon le système de vigilance du gouvernement Vigicrues, qui a placé la Seine en vigilance jaune depuis le 24 février, la crue observée dans la capitale est ainsi « habituelle pour la saison ».

    « La qualité de l’eau et sa couleur sont deux choses distinctes »

    Pierre Rabadan, adjoint à la mairie de Paris en charge du sport, des JOP et de la Seine, estimait pour sa part dans nos colonnes que le « passage des bateaux remue la vase » et participe donc également à la coloration du fleuve.

    Ces explications suffiront-elles pour autant à pousser les Parisiens à se mouiller dans les trois sites de baignade grand public que la Ville de Paris compte ouvrir à l’été 2025 ?

    VIDÉO. Paris : au cœur du chantier censé rendre la Seine plus propre afin de s’y baigner

    Chercheuse au laboratoire CNRS du CRH-Lavue et spécialiste des pratiques de baignade dans les cours d’eau franciliens, Julia Moutiez observe une tendance à associer la couleur kaki ou marron d’un cours d’eau à la saleté.

    « La qualité de l’eau et sa couleur sont deux choses distinctes », évacue-t-elle d’emblée. Autrement dit : une eau bleu turquoise n’est pas forcément de bonne qualité, de même qu’une eau brune n’est pas synonyme de pollution.

    Des particules polluantes en cas de fortes pluies

    Selon elle, les principaux indicateurs à prendre en compte pour se baigner sont ceux actuellement utilisés pour vérifier la qualité de l’eau. Ces derniers mesurent la présence de certaines bactéries, issues des matières fécales, qui sont incolores. « En cas de fortes pluies, le réseau des égouts peut devenir saturé et être déversé en partie dans les cours d’eau pour éviter d’inonder les sous-sols. Les agents pathogènes contenus dans les eaux usées, ainsi que d’autres particules polluantes, peuvent donc se retrouver en plus grand nombre dans la Seine ou la Marne. »

    Depuis l’été dernier, le département du Val-de-Marne a ainsi entrepris des travaux sur ses branchements d’assainissement. L’objectif est d’éviter un mélange des eaux usées et des eaux fluviales afin d’améliorer la qualité de l’eau rejetée dans la Seine et la Marne avant les JO de Paris.