Patrick de Carolis : « A cause de Bygmalion, ça fait deux ans que je déguste »

Exclusif. Dans un livre à paraître demain, l'ancien président de France Télévisions réagit pour la première fois aux accusations qui lui valent un procès pour favoritisme.

    Président de France Télévisions entre 2005 et 2010, Patrick de Carolis avait refusé jusque-là d'évoquer les coulisses mouvementées de son mandat. Dans « les Ailes intérieures », à paraître demain, l'actuel directeur du musée Marmottan Monet, à Paris, livre enfin sa vérité, entrecoupée de souvenirs d'enfance. Pour « le Parisien » - « Aujourd'hui en France », il a accepté d'évoquer son procès — qui se tiendra dans deux mois — pour « favoritisme » dans un volet de l'affaire Bygmalion, au côté de son ancien secrétaire général Camille Pascal.

    Vous êtes accusé d'avoir, en tant que président de France Télévisions, favorisé la société Bygmalion, créée par votre ancien directeur de la communication Bastien Millot. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de répondre à ces accusations ?

    PATRICK DE CAROLIS. C'est mon tempérament : je suis sûr de mon fait, et je ne me voyais pas cavaler de plateau télé en plateau télé pour dire ma vérité. Il ne sert à rien de porter la voix quand les vents sont contraires. Ce livre arrive parce que j'estime que cela suffit. Je ne présente pas ma défense, je dis simplement le temps du soupçon et ses affres, une conséquence de l'immédiateté que la presse s'impose : personne n'a pris la peine de me téléphoner pour connaître ma version des faits. Pas même les grands journalistes qui se disaient mes amis. Cela fait deux ans que je déguste, que je ne travaille plus dans les médias à cause de ce soupçon. J'en ai assez d'entendre tant d'incohérences, et parfois de mensonges.

    Vous rejetez la faute sur Camille Pascal, votre ancien secrétaire général...

    Je ne rejette la faute sur personne. Regardez bien la chronologie des convocations devant la justice : le secrétaire général a été convoqué le premier, et c'est lui qui a donné le ton. Je ne suis qu'en réaction. Je maintiens que les contrats signés (NDLR : par Camille Pascal) étaient excellents, mais je ne peux pas laisser dire que c'est moi qui les ai signés. Et puis, je ne comprends pas pourquoi l'équipe qui a pris ma suite à la direction de France Télévisions n'est pas inquiétée alors qu'elle a signé les mêmes contrats. Les contrats en cause portent de 2008 à 2013, or j'ai quitté mes fonctions en 2010... (NDLR : Rémy Pflimlin lui a succédé en 2010.)

    Au-delà de l'affaire qui vous touche actuellement, vous livrez les coulisses mouvementées de votre mandat...

    La période récente a été difficile pour moi, elle a gommé un travail important et rigoureux mené tout au long de ma vie professionnelle. Ma mise en examen a beau être qualifiée de « mécanique » par les juges, certains en ont profité pour mettre en doute ma probité. C'est difficile à vivre. J'en ai assez d'entendre des incohérences, et je ne voulais pas qu'on oublie la période que j'ai passée à France Télévisions. Je suis fier de mon bilan, et blessé que le CSA n'ait jamais reconnu officiellement la qualité de mon travail, pour ne pas embarrasser le président de la République de l'époque, qui avait pourtant dit qu'il jugerait sur les résultats.

    Vous dites justement que Nicolas Sarkozy vous aurait reconduit à votre poste à condition de vous séparer de plusieurs personnalités : Patrice Duhamel, Arlette Chabot, Franz-Olivier Giesbert, Laurent Ruquier et Patrick Sébastien. Pour vous, c'était inenvisageable ?

    Clairement. Patrice Duhamel était au courant, il m'a proposé sa démission. J'ai refusé parce que, humainement, ce n'est pas comme ça que je gère ma vie. Je trouvais qu'accepter aurait fragilisé mon second mandat. On ne bâtit pas l'avenir en laissant tomber ses collaborateurs. Surtout qu'ils n'avaient pas démérité. Je préférais ne pas être réélu plutôt que l'être par bassesse. Pourtant, j'ai cru à ma réélection jusqu'au bout, j'étais peut-être le seul ! Jusqu'à ce rendez-vous à l'Elysée que je raconte dans le livre.

    Avez-vous prévu de revenir à l'antenne si votre nom est lavé de ces accusations ?

    Tout dépendra de la volonté des diffuseurs. C'est à eux qu'il faut poser la question. L'ancien président de France Télévisions a choisi d'arrêter mes fonctions alors que je suis toujours présumé innocent. Si je reviens, en tout cas, ce sera pour présenter un nouveau format, pas pour reprendre « Des racines et des ailes ».

    Ce livre est dédicacé à Dominique Baudis. Vous pensez, comme ce fut le cas pour lui, que votre nom sera lavé avec le temps ?

    Je l'espère.