« Je dénonce une attitude de prédateur » : l’actrice Anna Mouglalis témoigne contre le réalisateur Philippe Garrel

L’actrice de 45 ans s’est exprimée dans l’émission « C l’hebdo » sur l’attitude du cinéaste à l’égard de plusieurs comédiennes qui l’ont accusé dès le mois d’août de comportements déplacés.

Anna Mouglalis dénonce l'attitude de Philippe Garrel avec plusieurs actrices, dont elle-même en 2014. LP / Fred Dugit
Anna Mouglalis dénonce l'attitude de Philippe Garrel avec plusieurs actrices, dont elle-même en 2014. LP / Fred Dugit

    Pour la première fois, elle prend la parole à la télévision sur ce sujet. L’actrice Anna Mouglalis s’est exprimée dans l’émission « C l’hebdo » sur les accusations qu’elle a formulées à l’encontre du réalisateur Philippe Garrel en août auprès de Mediapart.

    Le cinéaste est mis en cause par l’actrice, ainsi que quatre autres comédiennes qui témoignaient de tentatives de baisers non consentis et de propositions sexuelles lors de rendez-vous professionnels. D’autres comédiennes racontent également que le cinéaste leur a proposé de se rendre à l’hôtel. « Je ne peux pas faire le film si je ne couche pas avec toi », aurait-il lancé à l’actrice Marie Vialle, qu’il a rencontrée au Conservatoire de Paris, et fréquentée de 1994 à 1997.

    « C’est toujours beaucoup plus facile quand on n’a pas subi »

    Dans l’émission de France 5, diffusée ce samedi soir à 19 heures, l’actrice de 45 ans est revenue sur ce sujet : « Je dénonce une attitude de prédateur. Le sens de mon témoignage est d’apporter du soutien à celles qui ne peuvent pas parler ou à celles qui ont subi, a-t-elle insisté. C’est toujours beaucoup plus facile quand on n’a pas subi le viol ou l’agression sexuelle de prendre la parole. »

    Elle est revenue en détail sur la proposition qu’il lui aurait faite en 2014, comme elle l’avait expliqué à Mediapart : « Il dit clairement qu’il a besoin de coucher avec ses actrices, moi je n’ai pas vécu ça. J’avais déjà tourné le film, mais il m’avait demandé de lui donner à lire des textes féminins écrits sur le désir féminin. Et donc je lui ai proposé de lire des extraits de textes. Et pendant ce moment où il était venu chez moi, il est allé s’allonger sur mon lit. Il voulait que je lui explique le désir féminin d’une façon sans doute un peu plus littérale. Il n’y en avait pas de désir, donc je l’ai renvoyé. »

    Le réalisateur aurait fait un malaise, se serait senti mal, selon sa version des faits, citée par la journaliste Aurélie Casse. « Vu la géographie de mon appartement, il avait de quoi s’allonger sans se mettre sur mon lit », a rétorqué Anna Mouglalis.

    Aucune plainte déposée en justice

    « Aucune plainte n’a été déposée à ce jour », précisait en août Mediapart, selon qui certains de ces faits sont « susceptibles d’être qualifiés d’agression sexuelle ou de tentative d’agression sexuelle ».

    Le cinéaste dit ne pas partager les mêmes souvenirs de certains moments qu’elle relate, et regrette qu’elle les ait mal vécus. « Mes sentiments pour elle étant réels, je ne m’en suis pas rendu compte », se défendait-il auprès de Mediapart en août. « À la lecture de tous ces témoignages, je réalise la différence entre ce que j’imaginais alors et ce que je leur ai fait vivre. J’avais déjà pris conscience de la culture qui m’a façonné, et cela a ouvert en moi une remise en question », assurait alors le réalisateur, cité par le site d’investigation.



    Philippe Garrel a été récompensé à deux reprises à la Mostra de Venise (Lion d’argent du meilleur réalisateur pour « J’entend plus la guitare » en 1991 et pour « Les Amants réguliers » en 2005). En 2023, la Berlinale lui a décerné l’Ours d’argent de la meilleure réalisation pour « Le Grand Chariot », dans lequel jouent trois de ses enfants, dont le plus célèbre, son fils Louis, acteur et réalisateur.

    Lors de l’émission, l’actrice est par ailleurs revenue sur les accusations à l’encontre de Gérard Depardieu. Et notamment sur la tribune de soutien à l’acteur. « La parole des victimes est niée. On assiste au spectacle de l’impunité », a-t-elle dit. Anna Mouglalis a regretté le soutien apporté par Emmanuel Macron à Depardieu. « Quand Macron prend la parole au nom de la République Française, c’est d’une violence inouïe qui n’a pas lieu d’être ».

    Nomination de Rachida Dati

    L’actrice est longuement revenue sur « l’érotisation de la domination », qui selon elle, a libre cours dans le cinéma français. « Quand on nous embauche pour un rôle de jeune femme séduisante, le réalisateur nous choisit parce qu’il est séduit. Alors que moi, j’y vais pour jouer un rôle de jeune femme séduisante. C’est la tyrannie du désir : les réalisateurs doivent se remettre en question », s’est indignée Anna Mouglalis.

    Anna Mouglalis s’est également exprimée sur la nomination de Rachida Dati au ministère de la Culture. En début de semaine, une vidéo de l’actrice de 45 ans apprenant en direct la nomination de l’ancienne ministre sarkozyste avait fait réagir sur les réseaux sociaux. « La culture a besoin d’un programme et de moyens. Quand j’entends que Rachida Dati est une bonne idée, on verra bien… Une politique culturelle était menée par la précédente ministre » Rima Abdul Malak, a-t-elle réagi sur France 5.

    « Je pense que si Rima Abdul Malak n’a pas été reconduite c’est aussi pour les prises de position qu’elle a eues, notamment sur Gérard Depardieu », a avancé Anna Mouglalis.