Affaire Gilbert Rozon : «Tout le show business québécois savait»

La journaliste Denise Bombardier réagit aux accusations de viols et agressions sexuelles qui visent le producteur canadien Gilbert Rozon.

 Gilbert Rozon est accusé d’agressions sexuelles et de viols (Illustration).
Gilbert Rozon est accusé d’agressions sexuelles et de viols (Illustration). Pierre Roussel/NEWSCOM/SIPA

    C'est l'une des figures emblématiques des médias québécois. Chroniqueuse au «Journal de Montréal», Denise Bombardier est notamment connue en France pour s'être attaquée en 1990, sur le plateau d'«Apostrophes», à l'écrivain Gabriel Matzneff, qui racontait dans un roman autobiographique ses expériences sexuelles avec des adolescentes. Après l'affaire DSK en 2011, la journaliste et écrivaine a par ailleurs coécrit avec Françoise Laborde un ouvrage pour dénoncer le machisme en France, intitulé «Ne vous taisez plus» (Ed. Fayard). Denise Bombardier réagit pour nous aux accusations de viols et agressions sexuelles qui visent le producteur canadien Gilbert Rozon.

    Que vous inspire la démission de Gilbert Rozon ?

    Denise Bombardier. Dans le monde du show business au Québec, tout le monde savait que Gilbert Rozon avait ce genre de pratiques. C'est un petit monde, on se connaît tous. Et en 1998, Rozon a plaidé coupable d'agression sexuelle sur une femme de 19 ans. On l'a vu menotté dans les médias. Il a obtenu une absolution parce que la Cour a estimé que s'il était condamné, il ne pourrait plus voyager et que cela mettrait donc en danger son entreprise.

    Pourquoi tout le monde s'est tu depuis ?

    Parce que Rozon, c'est l'un des plus gros créateurs d'emplois du show business au Québec. C'est un homme qui pouvait donner des jobs à tout le monde. Le show business l'a protégé comme l'église catholique protège ses prêtres pédophiles ou la mère de famille le père incestueux… Chacun protège son institution. Mais là, les choses changent. Grâce à l'affaire Weinstein et à l'affaire Eric Salvail, qui a éclaté mercredi matin.

    C'est quoi, l'affaire Eric Salvail ?

    C'est la plus grande star du showbiz québécois. C'est un présentateur de 48 ans, qui est l'équivalent au Québec de Drucker, Ruquier et Hanouna réunis : il anime chaque jour un talk-show à la télé et une émission à la radio, il présente et est le concepteur des «Recettes pompettes», produit huit émissions de télé… Mercredi, le quotidien La Presse a rapporté les témoignages de onze personnes, qui disent avoir subi ou été témoins de gestes sexuels déplacés de la part d'Eric Salvail. En une journée, Salvail a perdu toutes ses émissions. Sa carrière est terminée.

    Pour l'instant, il y a eu le scandale Weinstein aux Etats-Unis, les scandales Salvail et Rozon au Québec. Est-ce que de telles affaires pourraient éclater en France ?

    Je pense qu'en France, ça va péter aussi. Mais si ces scandales ont d'abord éclaté en Amérique du Nord, c'est parce qu'il y a chez nous, culturellement, une tolérance moins grande vis-à-vis du machisme et du harcèlement sexuel. Depuis l'affaire DSK, pourtant, la situation évolue en France aussi. Et le fait que M6 ait décidé aussi vite de déprogrammer «Incroyable talent» le prouve.