Le port de Gennevilliers vogue vers de nouveaux paysages
Projet au long cours, la mutation paysagère du plus grand port d’Ile-de-France a rôdé ses méthodes à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), trois ans après la formalisation de ses objectifs.
Laurent Miguet
La colonne vertébrale verte du plus grand site du port autonome de Paris commence à se dessiner : parallèle à la route qui traverse d’Est en Ouest l’emprise de 400 hectares, la ligne encore discontinue d’un arboretum couvre une piste cyclable. En rive de Seine, les poissons frayent dans les roselières de plus en plus nombreuses, protégées du courant par des murs en gabion : le prochain chantier démarre en septembre. Au nord, plus de 400 pins sylvestres prospèrent depuis 2007 sur la presqu’île…
Arboretum cyclable
Les pièces du puzzle paysager dessiné en 2012 prennent forme sur la zone conçue après les grandes crues de 1910 par Fulgence Bienvenüe, l’ingénieur du métro parisien. L’établissement public d’Etat rebondit sur un projet qui lui donne l’occasion d’exprimer sa volonté d’ouverture aux regards du public : réalisée à 60%, la voie verte arborée de 3,5 km se situe sur le tracé de la véloroute Paris Londres, en cours d’achèvement. Pour les entreprises regroupées en association, malgré des activités hétérogènes parmi lesquelles dominent le BTP, les transports d’hydrocarbures et la manutention de conteneurs, la recomposition paysagère crée l’occasion de créer une unité.
Trois étapes ont fixé le cadre et rodé les méthodes. Dans les années 90, l’architecte Odile Decq, conceptrice de la pinède aux côtés de l’agence de paysage Bruel, avait formalisé l’objectif d’une perception de la proximité de l’eau et fixé le code couleur – le gris pour les bâtiments, le rouge pour l’activité industrielle. En 2012, Atelier 9, entouré de sept structures spécialisées dont Paule Green pour le paysage, a livré le schéma d’orientation et de développement durable (voir focus ci-dessous). Désormais, sa mise en œuvre revient à l’équipe de maîtrise d’ouvrage du port, assisté par l’agence AEI et ses partenaires, dont ON pour la lumière.
Le cahier de prescriptions paysagères se décline au fil des opportunités offertes par les changements d’affectations des terrains loués aux industriels et aux logisticiens, qui occupent 90% de la zone. En repoussant les limites de ces emprises, le port dégage l’espace où se développe l’arboretum, dans les contraintes d’un budget annuel d’investissement proche de 10 millions d’euros, dont la moitié pour l’aménagement extérieur. L’exécution des travaux revient à ID Verde, titulaire d’un marché quadriennal qui comprend également l’entretien des espaces verts.
Mieux percevoir l’eau
« La meilleure perception de l’eau, depuis la terre, constitue le défi le plus difficile », reconnaît Vincent Piquard, directeur de l’agence de Gennevilliers du port autonome. L’idée de prolonger les six darses se heurte à un écueil financier. Le traitement des eaux pluviales, sous forme de noues, offre une solution mise en œuvre au premier semestre 2015 sur les anciennes emprises du spécialiste des pipe-lines Trapil, reprises par le transporteur local Trans Di. Même par temps sec, les passerelles de la piste cyclable qui enjambent ces fossés soulignent la proximité de l’eau. Entre les bouleaux, les érables et les merisiers disposés sans alignement, ces franchissements rompent avec la monotonie des lignes droites et bétonnées qui caractérisent la trame viaire du port. Les garde-corps en tôle d’acier Corten n’en rappellent pas moins aux cyclistes le contexte industriel. Il ne reste qu’à évacuer les anciennes palissades pour achever ce chantier en 2016.
L’ancien site Trapil peut désormais servir de référence avant l’étape programmée à partir de l’an prochain, au sud du port, sur les 15 hectares de l’ancienne usine de flocage de Renault : l’établissement public la répartira entre trois entreprises. L’ouverture de percées visuelles guide les études en cours sur l’implantation des silos.
En 2021, l’échéance de l’amodiation des magasins généraux, qui occupent 50 000 m2 de surfaces bâties, offrira une nouvelle opportunité majeure pour la mise en œuvre du schéma d’orientation, selon un principe résumé par Vincent Piquard : « Densifier le cœur du port, renaturer sa périphérie ». Parallèlement, la recomposition architecturale et paysagère du centre de vie, où se concentrent les services communs, se nourrira des réflexions menées l’an dernier avec des étudiants de Sciences-Po.
Spectacles saisissants
Mais pour ressentir dès aujourd’hui les progrès d’une relation harmonieuse entre l’eau et l’activité industrialo-portuaire, rien ne vaut le mode fluvial : les croisières organisées avec le département recueillent un succès croissant. Quel meilleur point de vue pour appréhender la puissance de la halle du cimentier Alkern, joyau patrimonial du port ? Du lit de la Seine, les courbures du viaduc de l’autoroute A 15 offrent un spectacle exceptionnel au seuil d’un site clé : « Compte tenu de son environnement urbain, le port de Gennevilliers ne grandira plus. Mais sa contribution de 50% à l’activité du port autonome de Paris lui donne un rôle de laboratoire de nos stratégies environnementales », commente Vincent Piquard.
Les cinq axes du schéma d’orientationPrésenté le 11 avril 2012 par Atelier 9, le schéma d’orientation et de développement durable du port de Gennevilliers constitue la feuille de route des 9 personnes qui composent son équipe de maîtrise d’ouvrage. Le mandataire et ses sept partenaires l’ont structuré autour de cinq objectifs :
- Conforter le premier hub logistique d’Ile-de-France
- Améliorer l’insertion urbaine et paysagère
- Adapter la plate-forme aux nouvelles exigences économiques et environnementales
- Améliorer la qualité des services aux entreprises
- Conforter l’image et l’acceptabilité du port
Un sixième objectif concerne le suivi opérationnel. La conformité au schéma des chantiers en cours et en projet prouvent la volonté de tenir le cap dans la durée.
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