L'abécédaire de l'immeuble parisien des années 1950 : A comme… angle
Dans le cadre de l'exposition "Paris 1950, un âge d'or de l'immeuble" (16 septembre-7 novembre 2010), le Moniteur.fr et le Pavillon de l'Arsenal vous invitent à parcourir l'alphabet architectural et technique de l'habitat collectif du milieu du XXe siècle. Aujourd'hui : A comme... angle.
Simon Texier
Depuis la fin du XIXe siècle, l'immeuble d'angle fait l'objet d'un traitement spécifique: après trois décennies de domination de l'immeuble haussmannien, Paris devient, autour de 1900, le lieu de mises en scène urbaines qui traduisent le retour des architectes et des sculpteurs dans le paysage quotidien. Les années 1950 poursuivent cette tradition en livrant quelques-uns des plus beaux spécimens du XXe siècle.
Les architectes s'appuient notamment, pour cela, sur le règlement provisoire de 1950, qui stipule que "dans la mesure où l'esthétique l'exige et compte tenu des circonstances locales", des dérogations seront prévues aux angles des îlots de manière à harmoniser, et ce sur une longueur de quinze mètres, le gabarit d'un immeuble bordé par deux voies de largeurs différentes. Cette disposition ne sera pas suffisante dans bien des cas, mais elle favorise la persistance d'une culture de l'immeuble d'angle.
Courbe ou pan coupé
Il faut cependant y ajouter le souci manifeste de la profession de perpétuer un paysage typiquement parisien, en l'adaptant à de nouvelles exigences et à de nouvelles formes, mais dans un esprit de continuité qui est propre aux années 1950. Tandis que les années 1960 marqueront la domination de l'angle droit, c'est le plus souvent par la courbe ou le pan coupé que, au cours de la décennie qui précède, se joue la jonction de deux voies.
À mi-chemin entre les effets pittoresques de l'entre-deux-guerres et un "rigorisme épidermique" de plus en plus dominant à l'échelle internationale, la production parisienne trouve dans l'immeuble d'angle un terrain d'expression privilégié: associant un goût de la composition hérité de l'enseignement des Beaux-Arts à la retenue imposée par le modernisme dans le traitement des volumes, les architectes actifs dans la capitale livrent un corpus d'une rare qualité.
Texte extrait du catalogue de l'exposition "Paris 1950, un âge d'or de l'immeuble" (Editions du Pavillon de l'Arsenal, 247 pages, 27 euros), dont la conception scientifique est signée Simon Texier, maître de conférences à l'Université Paris-Sorbonne.