Emportée par le fracas de la débâcle de juin 1940, Hélène de Portes traverse rarement les récits qu’a inspirés cette période sombre. Cette grande bourgeoise, compagne du président du Conseil Paul Reynaud, s’activa en coulisses pour plaider la cause d’un armistice rapide avec l’Allemagne. Ce qui valut à ce personnage de roman d’être frappé d’infamie par tous ceux qui s’opposaient à l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain.
La comtesse de Portes, née Rebuffel en 1902, est la fille d’un richissime entrepreneur marseillais. Séparée de son mari, elle s’affiche depuis 1930 aux côtés de Paul Reynaud, de vingt-quatre ans son aîné. Ce couple fusionnel prévoit de se marier mais, en mars 1940, l’accession à la tête du gouvernement du député de Paris, figure de la droite modérée et très critique à l’égard des accords de Munich, impose de remettre le projet à plus tard.
Rapidement, la présence envahissante de cette petite brune au verbe haut indispose beaucoup de monde. Hélène de Portes filtre les contacts avec le président du Conseil, d’où le sobriquet de « porte d’à côté » qu’elle ne tarde pas à endosser, et assiste aux réunions de cabinet. « Ne dites rien de confidentiel à Reynaud au téléphone : la dame est toujours là et répète partout ce qu’elle a entendu », fait savoir à Roosevelt l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris.
« Monsieur le Maréchal »
Surtout, l’impétueuse Hélène se fait l’avocate empressée, et pas seulement auprès de son cher Paul, d’un accord avec l’Allemagne. « Je ne pense pas que son rôle dans l’encouragement des éléments défaitistes pendant les derniers jours de Reynaud comme président du Conseil doive être sous-estimé. Elle a passé une heure pleurant dans mon bureau pour [m’]inciter [à convaincre] Reynaud à demander un armistice », témoigne un diplomate américain cité par l’historien William Shirer.
Lorsque Pétain, nommé le 18 mai 1940 numéro deux du gouvernement, se présente au domicile du président du Conseil, Hélène de Portes l’accueille avec enthousiasme et le supplie : « Monsieur le Maréchal, empêchez Paul de faire des bêtises ! ». Elle est moins avenante avec Charles de Gaulle, sous-secrétaire d’Etat à la guerre, qui le lui rend bien. « C’était une dinde, comme toutes les femmes qui font de la politique », lâchera-t-il en 1964, dans un entretien avec l’historien Henri Amouroux.
Cet intense lobbying brouille l’image de Reynaud qui, plus indécis que prévu, se veut hostile à la capitulation mais doit composer avec la profonde division de son gouvernement. Finalement, il démissionne le 16 juin et laisse le champ libre à Pétain. Le couple, replié à Bordeaux, décide de fuir l’avance allemande, mais le 28 juin, entre Frontignan et Sète, leur Renault Juvaquatre percute un platane. Le conducteur est légèrement blessé. Hélène de Portes est tuée sur le coup. Selon la légende, son amant fit mouler l’une de ses mains et l’un de ses seins.