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Jean-Jacques Schuhl : « La vie n’est pas réservée à ceux qui s’agitent. Il y a aussi les autres »

L’écrivain signe son sixième livre en un demi-siècle avec « Les Apparitions ». Rencontré chez lui, à Paris, il parle de son travail, de sa façon d’observer le monde d’hier et d’aujourd’hui, et de la place qu’il y occupe.

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Publié le 16 février 2022 à 16h00, modifié le 17 février 2022 à 04h59

Temps de Lecture 7 min.

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L’écrivain Jean-Jacques Schuhl, au Plaza-Athénée, à Paris, en 2013.

La baie vitrée donne sur le parc de la résidence de l’ambassadeur de Russie. Depuis vingt-cinq ans, Jean-Jacques Schuhl réfléchit, reçoit, lit, écrit face à cette vue. Il ne se passe jamais rien dans ce triste jardin du 7e arrondissement parisien. Il a vu des chats et des petites filles passer, une dame en anorak faire du sport, des lumières s’allumer dans le bâtiment.

« Reflets en vase clos des changements en Russie et dans le monde… », écrit-il dans son nouveau livre, Les Apparitions. Plus loin, comme s’il singeait un Victor Hugo contemplant les tumultes de l’époque depuis son exil anglo-normand, il ajoute : « J’aurais pu dire : “J’ai vu passer un peu de l’Histoire sous ma fenêtre.” »

La vie partagée avec une chanteuse et actrice allemande, Ingrid Caven, dont il a fait l’héroïne éponyme d’un roman qui lui a valu le prix Goncourt en 2000 (Gallimard), la consommation de champagne, la connaissance des cultures underground et un goût pour le name dropping (à condition que les noms en question sonnent bien)… Tout cela a pu donner à l’auteur de 80 ans l’image d’un dandy. Un esthète autocentré, coupé du monde, entouré d’objets raffinés et de parfums capiteux. Il n’en est rien.

Certes, Jean-Jacques Schuhl ne sort pas de chez lui, mais c’est la faute à une arthrose qui l’immobilise. Et il ne fait que regarder ailleurs, vers ce parc russe, vers ses livres. Il pioche dans ses souvenirs et ceux des autres. En petit reporter, il griffonne des notes. Elles s’empilent sur son bureau, sur la table de son salon. Parfois, cela donne un livre.

Les voyeurs, les taiseux

Les Apparitions est son sixième livre en cinquante ans. Il ne sait pas faire plus rapidement. Il écrit, corrige, rature, soupèse les mots. Il ne tape jamais à l’ordinateur – ni à rien. « Tutto fatto alla mano », s’amuse-t-il. Il montre toujours ses notes à Ingrid Caven. « Elle a une très grande musicalité. Evidemment parce qu’elle est chanteuse, mais aussi grâce à une solide formation classique. Et puis, elle est de langue allemande, cela apporte quelque chose, un regard différent. » Quand il est satisfait de quelques pages, il les envoie (par fax) à une collaboratrice chez Gallimard. Celle-ci, habituée à le déchiffrer, les lui renvoie tapées. Ainsi de suite jusqu’à ce qu’un livre soit prêt, et que Philippe Sollers, directeur de la collection « L’Infini », le publie.

Observer le monde, ce n’est pas y participer. Il faut des spectateurs à un spectacle, des témoins à un crime, des croyants à une idole. « La vie n’est pas réservée à ceux qui s’agitent, s’engagent, écrivent des tribunes, partent au bout du monde, dit-il. Il y a aussi les autres. » Les voyeurs, les taiseux, qui extirpent des mots du réel.

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