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Pierre Nora, enfin père. L’historien signe « Jeunesse », un essai autobiographique

L’historien, maître d’œuvre des classiques « Lieux de mémoire », académicien, éditeur… procède dans cet émouvant livre à l’inventaire de ses « échecs » providentiels, à l’intention du fils qu’il n’a pas élevé.

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Publié le 21 mars 2021 à 08h00, modifié le 23 mars 2021 à 08h30

Temps de Lecture 7 min.

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L’historien Pierre Nora, à Paris, en mars 2021.

Il s’agit de ne pas se tromper de sujet, de ne pas rater l’essentiel. A peine assis dans son bureau des éditions Gallimard, Pierre Nora s’attend à ce qu’on prenne prétexte de son nouveau livre pour lui demander de réagir à telle controverse d’historiens, tel débat d’actualité. Mais non, on va tout faire pour éviter ça. Ce serait rater la vraie question, qui a donné sa nécessité au bref essai autobiographique qu’il publie aujourd’hui sous le titre Jeunesse. Or cette question est précisément celle du ratage. Plus exactement, une étrange obstination dans le ratage, un bonheur existentiel fondé des échecs providentiels : concours foiré, vocation avortée, identité perdue, transmission égarée…

« Pour Elphège »

Bien sûr, le principal intéressé résiste un peu. A plusieurs reprises, pendant notre échange, il soupire des « J’ai du mal à vous répondre », des « On s’éloigne du bouquin, là, ça m’embête ». Au contraire, on est en plein cœur et Nora l’admet bien vite. En atteste la dédicace qui ouvre Jeunesse : « Pour Elphège ». Elphège ? A la page 130 et à la faveur d’une incise assez énigmatique, on apprend que c’est le nom du fils. De son unique enfant, « né pendant les intermittences du cœur », etqu’il a eu sans l’élever.

« Oui, j’ai eu un fils et j’ai béni cette femme, cette amie qui l’a élevé pour moi, précise l’historien. Je n’ai jamais vécu avec lui, mais j’allais le chercher chaque jeudi, on allait à la pâtisserie, au cinéma, je lui enregistrais des histoires sur des cassettes pour qu’il s’endorme le soir, je m’interrompais pour lui demander ce qu’il en pensait, ce qu’il aurait fait, il a toujours gardé ces cassettes avec lui ! Aujourd’hui, il a 35 ans, c’est un brillant biologiste qui est parti vivre à San Francisco, on s’aime beaucoup. J’ai écrit ce livre pour lui, pour qu’il sache d’où vient son père, de quelles histoires je suis porteur, et qu’au fond, à travers mes échecs, j’ai eu beaucoup de chance. »

Des échecs ? Nous y voilà. Bien sûr, ce n’est pas vraiment le mot qui vient à l’esprit quand on nomme Pierre Nora, historien et académicien, pilier des éditions Gallimard et maître d’œuvre des classiques Lieux de mémoire (1984-1992), fondateur de la revue Le Débat et acteur influent de la vie intellectuelle française. Pourtant, et c’est ce qui donne au livre sa force sensible, ce récit d’apprentissage égrène les déceptions inaugurales. A commencer par l’échec à Normale-Sup, école à laquelle le jeune Nora avait été pesamment destiné par son entourage, et où son anxiété, dit-il, l’empêcha d’entrer à trois reprises, jusqu’à faire de lui « le collé éponyme » de sa génération.

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