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« Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs » : Mathias Enard en Poitevin pantagruélique

Le romancier met un joyeux désordre dans la séculaire campagne des Deux-Sèvres.

Par  (Collaboratrice du « Monde des livres »)

Publié le 22 octobre 2020 à 10h00

Temps de Lecture 3 min.

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L’écrivain Mathias Enard, photo non datée.

« Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs », de Mathias Enard, Actes Sud, 432 p., 22,50 €, numérique 17 €.

Rarement livre sur la mort aura été si réjouissant, ces dernières années tout au moins. Car dans la tradition littéraire, c’est une autre affaire. De la poésie de François Villon aux récits carnavalesques conjurant l’angoisse de la mort par la célébration du rire et de la vie, l’histoire de la littérature est pleine de textes qui regardent la Grande Faucheuse droit dans les yeux, pour lui tirer la langue. A commencer par les romans de Rabelais, dont on connaît la démesure, la profusion, la créativité linguistique. On sait, aussi, quel humanisme ils défendent, en vertu duquel toutes les facultés de l’esprit et du corps valent d’être développées, dans une joie paillarde que Rabelais, en médecin quotidiennement confronté à la maladie et à la mort, oppose à la finitude humaine.

Roman démesuré et apaisant

Mais peut-on encore écrire un roman rabelaisien au XXIe siècle sans verser dans la caricature ? Mathias Enard, Prix Goncourt 2015 pour le beau et méditatif Boussole (Actes Sud), prouve brillamment que oui. Avec Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs, il nous offre le roman tout à la fois le plus démesuré et le plus apaisant qu’il ait été donné de lire depuis longtemps.

Nulle indigestion, chez le lecteur, même après avoir avalé les ribambelles de saucisses et les montagnes de choux à la crème qu’on sert, dans la partie centrale du livre, au banquet de la dite confrérie. Le roman se dévore et nourrit l’âme du lecteur, dont il purge les passions mauvaises et congédie la mélancolie, opérant avec lui ce que ce dîner carnavalesque réussit avec les fossoyeurs, lesquels « ne faisaient gras qu’une fois l’an, pour le Banquet, mais quel gras, et tout leur était permis : le reste de l’année n’était pour eux qu’une longue tristesse, la queue d’une comète emportée par la Mort… ». Durant les journées consacrées à ces retrouvailles entre fossoyeurs, la « Roue du Destin » ne tourne plus, personne ne trépasse et nul n’exige d’être mis en terre.

Mais comment justifier littérairement un tel moment pantagruélique dans un roman censé se passer de nos jours ? Mathias Enard nous conduit habilement à suspendre notre incrédulité, en mettant en place un dispositif romanesque dans lequel rien n’apparaît gratuit, tout est chargé de sens et de jouissance. Les première et dernière parties du roman mettent en scène David Mazon, un apprenti ethnologue, à travers le journal qu’il tient. Pour les besoins d’une étude de terrain nécessaire à l’écriture de sa thèse, le jeune homme s’installe durant quelques mois dans un petit village des Deux-Sèvres, à l’orée du Marais poitevin.

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