Le cœur est un chasseur solitaire (The Heart Is a Lonely Hunter), de Carson McCullers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Frédérique Nathan, suivi de Ecrivains, écriture et autres propos, traduit par Françoise Asdelstain, Stock, « La cosmopolite », 560 p., 24 €.
Chez le même éditeur, Reflets dans un œil d’or, traduit par Pierre Nordon, 170 p., 19 € ; Frankie Addams, traduit par Jacques Tournier, 280 p., 21 € ; La Ballade du café triste, traduit par Jacques Tournier, 220 p., 20 € ; L’Horloge sans aiguilles, traduit par Colette M. Huet, 320 p., 22 € ; et, en poche, Le Cœur hypothéqué, traduit par Jacques Tournier, Livre de poche, « Biblio », 352 p., 7,30 €.
Pour Carson McCullers, 2017 est un double anniversaire : le centenaire de sa naissance, le 19 février 1917, et les 50 ans de sa mort, le 29 septembre 1967, après une vie marquée par la maladie. A cette occasion, Le Livre de poche, et surtout Stock, son éditeur de toujours, remettent en vente des livres. Stock a demandé à des contemporains des préfaces : Véronique Ovaldé pour Le cœur est un chasseur solitaire, Arnaud Cathrine pour Frankie Addams, Eva Ionesco pour La Ballade du café triste, Nelly Kaprièlian pour L’Horloge sans aiguilles. Reflets dans un œil d’or, sans doute son livre le plus tenu, le plus tendu, a, lui, une postface, un texte de 1950 de Tennessee Williams, ami et soutien constant de l’écrivaine.
Après le succès immédiat, en 1940, du premier roman de Carson McCullers, Le cœur est un chasseur solitaire, le deuxième, en 1941, Reflets dans un œil d’or, huis clos angoissant dans une garnison du sud des Etats-Unis, a été jugé « malsain, tordu ». Tennessee Williams démontre au contraire sa « maîtrise de conception parfaite. Il y a une précision lapidaire dans sa structure ».
Quand on a fait une entrée fracassante sur la scène littéraire à 23 ans, comme ce fut le cas de Carson McCullers, on est en général attendu sans bienveillance pour la suite. La jeune Sudiste, venue à New York au milieu des années 1930, d’abord pour étudier la musique à la Juilliard School, n’a pas échappé à cette dure loi. En outre, elle a toujours été considérée comme une étrange personne, une éternelle adolescente.
« N’importe qui, excepté moi »
Précisément, dès son adolescence, à Columbus (Géorgie), dans ce Sud accablé d’une chaleur moite, en proie au racisme, à l’injustice, qu’elle décrit si bien dans Le cœur est un chasseur solitaire, Lula Carson Smith, la fille d’un horloger, est en décalage avec les camarades de son âge. Comme le sera Frankie, l’héroïne de Frankie Addams (1946), qui dit : « Je voudrais être n’importe qui, excepté moi. » Elle a grandi trop vite, 1,75 mètre, et s’habille comme les jeunes filles le feront bien plus tard : pantalon, chemise et, aux pieds, chaussures de tennis. Et elle ne veut plus qu’on l’appelle Lula, mais seulement Carson.
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