Sur le plan de travail, des couteaux, des planches à découper, des bocaux, des bocaux et encore des bocaux. Des gros, des élancés, des petits, des vides et des remplis. L’atelier « découverte de la lacto-fermentation » est complet, et les participantes sont au coude-à-coude dans la cuisine carrelée de la maison du parc du Champ des Bruyères, tout près de Rouen. Avant de passer à la pratique, Malika Nguon, cheffe du restaurant parisien spécialisé Ferment et autrice de Cuisine et fermentations (Ulmer, 2021), propose à la dégustation quelques-unes de ses préparations, bien à l’abri dans leurs prisons de verre Le Parfait.
Ses carottes plongées dans la saumure (une solution d’eau et de sel) avec des graines de cumin viennent secouer le palais. Mais la cheffe montre aussi comment elles apportent une vibrante touche d’acidité à un houmous maison. « La fermentation, ce ne sont pas que des pickles à manger tout crus, on peut aussi puiser dans les bocaux pour améliorer la cuisine de tous les jours », explique-t-elle.
Pour assurer cette formation, la cuisinière est venue avec des copains : la microbiologiste Laura Bouley (animatrice du site Myfermentpassion.fr) et le chef passionné Jemel Ghroum. « Ce sont avant tout des gens curieux qui bricolent, comme moi, remarque Malika Nguon. On tâtonne en permanence, on se donne des tuyaux, et nous sommes nombreux à faire des ateliers, des bouquins, des tutoriels sur Internet pour s’aider les uns, les autres… Même les personnes que je forme m’envoient leurs recettes. La fermentation, c’est l’inverse d’un club fermé, c’est une communauté qui fait tout pour s’élargir. »
Les fermenteurs avancent en bande, soudés par une philosophie basée sur le goût du partage, des nouvelles saveurs, et une aversion pour le gaspillage.
Malika raconte échanger avec la cheffe Marine Gora (Gramme) et Sébastien Bureau, co-auteur de Révolution fermentation (Les éditions de l’homme, 2017), partager ses spots franciliens de cueillette sauvage avec le consultant culinaire Olivier Le Corre, et être passée chez Florent Ladeyn, le patron locavore de l’Auberge du Vert Mont, dans un bourg des Flandres, pour lui offrir son ouvrage.
Achards, kimchi et kéfir
« Le confinement a été un déclic pour beaucoup, qu’ils soient chefs ou amateurs, ils ont eu le temps de concevoir des bocaux, remarque Julie Maenhout, qui a créé en 2018 Les Jarres crues, une société installée aux portes de Bordeaux, spécialisée dans les légumes bio fermentés. Et la fermentation s’inscrit dans des tendances lourdes : le fait maison, la nourriture saine. Depuis deux ans, j’ai de plus en plus de concurrents, autant des autodidactes qui vendent sur les marchés que de grosses entreprises attirées par le créneau. »
Il vous reste 66.65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.