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Une majorité de gauche bien fragile

Si, sur le plan institutionnel, la gauche n'a jamais disposé d'une conjonction aussi favorable, ses bases et ses marges de manoeuvre demeurent étroites.

Publié le 04 juillet 2012 à 14h53, modifié le 05 juillet 2012 à 15h47 Temps de Lecture 4 min.

Jean-Marc Ayrault, à l'Assemblée nationale, le 3 juillet.

A l'heure où commence la première session extraordinaire de la 14e législature, il n'est pas inutile de rappeler combien, en dépit des apparences, la majorité politique de la gauche reste fragile. "Elle a tous les pouvoirs", insistent les ténors de la droite, cherchant à signifier qu'elle devra porter toute la responsabilité politique de ses actes. Toutefois, si, sur le plan institutionnel, la gauche n'a jamais disposé d'une conjonction aussi favorable - dont rien n'est moins sûr qu'elle puisse la retrouver un jour -, ses bases et ses marges de manoeuvre demeurent étroites.

Cela ne tient pas qu'à l'ampleur de la crise, qui freine considérablement les tentatives d'échapper aux disciplines budgétaires et financières. Il s'agit aussi de la capacité à emporter l'adhésion des citoyens, à les mobiliser sur un projet collectif, à faire vivre un véritable dialogue démocratique. De ce point de vue, ce n'est pas gagné, car la gauche ne doit pas, ne peut pas l'oublier, elle n'a pas les mains libres.

Malgré la confortable majorité dont elle dispose à l'Assemblée nationale, où elle détient 60 % des sièges, la gauche n'a pas été portée par une puissante vague. Dans pas moins de 71 circonscriptions, les écarts de voix au second tour sont inférieurs à 1 000, et même à 500 pour plus de la moitié d'entre elles. On relèvera, parmi ces élections arrachées de haute lutte, celles de Jean-Louis Destans (PS), qui l'emporte dans la 2e circonscription de l'Eure avec 29 voix d'avance ; de Dolorès Roqué (PS), qui sort en tête d'une triangulaire avec 10 voix d'avance dans la 6e circonscription de l'Hérault ; ou encore de Jean-Louis Roumégas (EELV), qui lui aussi se tire avec 88 voix d'avance de son combat dans la 1re circonscription de l'Hérault.

La droite, certes, a elle aussi son lot de vainqueurs à l'arraché, rescapés d'un scrutin conclu à quelques poignées de voix près. La faiblesse des écarts - alors que la dynamique postprésidentielle a joué en faveur du camp du président élu - témoigne de la tournure aléatoire de ces succès. Ces victoires étriquées ont d'ailleurs été à l'origine de nombreuses requêtes en contestation : 102 recours, au total, ont été déposés, visant 78 députés élus aux législatives.

Ceux-là devront attendre les décisions du Conseil constitutionnel - qui doivent être rendues avant la fin de l'année - pour être assurés de leur siège. Il serait bien étonnant que certaines de ces contestations n'aboutissent pas, donnant lieu alors à de nouvelles consultations partielles. Celles-ci ne remettront pas en cause les équilibres du Palais-Bourbon. Mais ces scrutins partiels pourraient faire office de révélateurs, dans quelques mois, de l'état d'esprit du pays, passé les premiers temps d'installation du nouveau pouvoir. A suivre, donc.

Autre signe de l'absence d'engouement pour la nouvelle majorité, la faiblesse de la participation, avec une abstention qui a atteint le taux record de 44,6 % au second tour des élections législatives. En conséquence, à peine 110 députés - moins d'un cinquième de l'Hémicycle - ont réussi à rassembler sur leur nom les suffrages de plus d'un tiers des inscrits. Seule l'une d'entre eux - Annie Le Houérou (div. g.) dans les Côtes-d'Armor - a franchi, de justesse, la barre des 40 % des inscrits (40,8 %). Et seulement trois autres dépassent 39 % des inscrits, dont Olivier Falorni - le dissident divers gauche qui a battu Ségolène Royal - en Charente-Maritime, grâce à la mobilisation des électeurs... de droite.

Il n'y a donc pas, pour la gauche, de quoi pavoiser, tant il reste de chemin à faire pour reconquérir les âmes et les coeurs d'une opinion passablement désabusée.

Restent, enfin, les difficultés qui guettent la majorité de gauche dans l'exercice législatif, dans une configuration jamais éprouvée encore où elle est dispersée en quatre groupes à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Ainsi, chacune des principales composantes des partenaires ou alliés du Parti socialiste a-t-elle tenu à se doter de moyens autonomes. Ce n'est pas qu'une question de ressources matérielles et financières : ce qui est en jeu, c'est aussi la capacité à exercer, à un moment donné, une pression sur le groupe majoritaire.

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De cet inédit éparpillement des forces parlementaires de la gauche, le gouvernement a tout à redouter. La tendance naturelle, mécanique dans ce cas, est à l'affirmation de son identité. D'où les risques de surenchère ou, au minimum, de crispation. D'autant plus que les groupes d'opposition ou minoritaires disposent de droits spécifiques : outre le temps de parole attribué à chacun en séance publique, ils concernent notamment la possibilité de bénéficier de séances où ils disposent de la maîtrise de l'ordre du jour ou d'exercer un "droit de tirage" pour demander la création d'une commission d'enquête.

La session extraordinaire s'est ouverte, mardi 3 juillet, sur la déclaration de politique générale du gouvernement, qui a été présentée par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Une déclaration qui a été suivie d'un vote de confiance à l'Assemblée nationale, mais il n'en sera pas de même au Sénat, mercredi 4 juillet. Au vu de l'extrême étroitesse de la majorité de gauche au Palais du Luxembourg, le gouvernement n'a pas voulu prendre ce risque. En même temps, c'est une indication. Il n'est pas exclu, au cours de cette législature, que le Sénat, où le Parti socialiste ne peut pas compter sur ses seules forces, devienne le lieu où pourraient se cristalliser les désaccords internes à la majorité. Et où le gouvernement devra faire preuve de doigté.

roger@lemonde.fr

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