C’est avec stupéfaction et accablement que le monde de l’économie française a appris ce dimanche 17 décembre au soir le décès à 57 ans de Philippe Martin, l’un de ses représentants les plus actifs et influents, des suites d’une crise cardiaque. Ancien président du Conseil d’analyse économique, doyen de l’école des affaires publiques de Sciences Po, il a été le conseiller économique du ministre Macron avant de participer à l’élaboration de son programme pour la présidentielle. « Je suis profondément attristé par la disparition brutale de Philippe Martin, a réagi sur X le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Chercheur brillant, esprit ouvert et avisé, il aura éclairé la politique économique. »
Sa longue carrière, qui passera par les Etats-Unis, l’université et les cénacles politiques, commence et s’achève à Sciences Po. C’est en 1987 que le jeune étudiant reçoit son diplôme de l’école de la rue Saint-Guillaume. Le partenariat avec l’université de Georgetown à Washington lui permet de franchir l’Atlantique et d’y rester quatre ans, le temps de décrocher un doctorat (PhD) d’économie. De retour en Europe, il enseigne un temps à Genève avant de trouver un poste au Centre d’études prospectives et d’information internationales. « Quand je l’ai recruté, j’ai tout de suite été frappé par sa clarté analytique. Il avait une grande capacité à simplifier les problèmes », se souvient son président de l’époque, Jean Pisani-Ferry. Une aisance dans la pédagogie qui lui permettra d’enchaîner les postes de professeurs : Les Ponts, Polytechnique, l’université de Lille, puis de Paris.
Cela ne l’empêchera pas de vouloir affiner ses compétences en matière de macroéconomie et de finance en devenant économiste à la réserve fédérale de New York. Il a bien fait. Un an plus tard, en 2002, il reçoit le prix du meilleur jeune économiste attribué par Le Monde et le cercle des économistes, conjointement avec Thomas Piketty. Cette reconnaissance lui permet, entre autres, de revenir d’Amérique pour enseigner à la Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris.
« Il a montré qu’il était un excellent chercheur, assure Philippe Aghion, professeur au Collège de France. Il a notamment beaucoup travaillé sur les liens entre commerce et conflit. » Avec ses confrères Thierry Mayer et Mathias Thoenig, il a étudié le coût économique des guerres en termes de réduction du commerce entre les belligérants, montrant que quand les liens économiques sont forts, les propensions à faire la guerre sont réduites. Mais la mondialisation, en multipliant les partenaires commerciaux, a paradoxalement réduit le coût économique d’un conflit, les rendant plus probables. Cette étude, publiée au Cepremap en 2006, a repris de l’actualité à la faveur du conflit ukrainien.
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