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Guy Marchand, acteur et musicien, est mort

Ex-parachutiste, crooner de jazz, musicien chez Truffaut, flic chez Claude Miller, Burma pour la télévision, grande « gueule » chez à peu près tout le monde, de Claude Zidi à Christophe Honoré, Guy Marchand est mort, à l’âge de 86 ans.

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Publié le 15 décembre 2023 à 15h03, modifié le 17 décembre 2023 à 10h13

Temps de Lecture 3 min.

Guy Marchand, en août 2014, à Chanceaux-près-Loches (Indre-et-Loire).

Si le paradis existe, on lui souhaite que saint Pierre y ait refourgué sa place à San-Antonio. Pour Guy Marchand, comme pour le héros de Frédéric Dard, action, belles pépées et truculence resteront pour les siècles des siècles la seule sainte trinité qui vaille.

Flambeur, dépensier, hâbleur, autoproclamé voyou devant l’Eternel… Cette grande gueule, et « gueule » tout court, du cinéma français et de la télévision, s’est éteinte, vendredi 15 décembre, à l’hôpital de Cavaillon (Vaucluse), ont annoncé ses enfants à l’Agence France-Presse. Ex-parachutiste, crooner de jazz aussi à l’aise avec une clarinette qu’en joueur de polo, il aimait la réplique qui fuse, la formule qui claque, le langage vert. Comme si cela le tenait en vie. Ça et l’amour. « Audiard c’est mon maître. Pourquoi ? Parce que c’est la littérature et la rue, disait-il. Je ne suis qu’un petit voyou du 19e, j’y tiens à ça, à ces origines. Dans mon quartier, on disait plus facilement “enculé” que “comment tu vas ?” J’appelais le prince de Liège “gros cul”, et Deneuve “Catherine d’Occase” – enfin c’est Gainsbourg qui lui avait filé ce blase. »

Né le 22 mai 1937, Guy Marchand est le fils de Raymond le garagiste communiste (« Lui, ce n’est pas compliqué, c’est Gabin dans Remorques ») et de Germaine, « beauté fantastique » qui avait voulu entrer dans les ordres. Jusqu’à la fin, il conservait la photo de sa mère en évidence sur son bureau et ses cendres dans sa chambre.

Lire le portrait (en 2017) : Article réservé à nos abonnés Guy Marchand, « touriste » du cinéma

Un pedigree de gamin de Paris, donc : place des Fêtes, Belleville, la découverte des salles obscures, à commencer par Le Danube, un cinéma du boulevard Sérurier, qu’il fréquentait avec son pote Claude Moine, alias « Eddy Mitchell » (« On était amoureux de Rita Hayworth. On rêvait d’entrer dans l’écran »), et puis les clubs de jazz, un détour par la Légion étrangère, et enfin les premières apparitions à l’écran, parce que parachutiste, il s’était retrouvé un beau jour sur le tournage du Jour le plus long.

Guy Marchand n’a jamais refusé à la vie ce qu’elle lui offrait, et jamais un rôle quand son compte en banque était vide – ce qui était souvent le cas. Plus de 150 films au compteur. De ces seconds rôles qui finissent par ravir la vedette. Musicien chez François Truffaut, cocu chez Pialat, flic chez Claude Miller (ce qui lui vaudra un César en 1982, pour Garde à vue). On l’aura vu chez Claude Zidi comme chez Christophe Honoré. Pas bégueule. A la télévision, sur France 2, de 1991 à 2003, il enfilera l’imperméable et la bougonnerie du héros de Léo Malet pour les 39 épisodes de « Nestor Burma », série qui contribua à en faire une figure familière et appréciée du grand public.

« Merci, madame »

« Sur ma tombe, on inscrira : “Merci, madame” », suggérait-il en riant lorsqu’on était allé lui rendre visite en mai 2017, dans sa maison de Mollégès, du côté de Cavaillon. C’était après la sortie du sympathique Otez-moi d’un doute, de Carine Tardieu. Ce jour-là, il se plaignait – se faisait plaindre, plutôt : content de faire l’acteur, certes, mais pourquoi, fichtre, lui donner un rôle de grand-père ? « Ce que je retiens de ma prestation, c’est un voyage en Bretagne en demi-pension pour personnes âgées. C’est pareil dans le prochain film : à 80 ans, on me demande si je peux boiter un peu plus… Mais moi je boxe tous les jours une demi-heure sur mon sac, je fais dix tours de mon champ, je suis de l’école de Clint Eastwood ! Quand est-ce qu’on me propose un film avec lui ? Même un film de vieux, merde ! »

Homme à femmes, il était raide dingue de la dernière, Adelina, russe, bouriate de Sibérie, de quarante ans sa cadette, mariée et divorcée d’un comte français, avec deux jeunes enfants, pour laquelle il se levait aux aurores lorsqu’elle venait lui rendre visite de Berlin où elle vivait et qu’il fallait aller la chercher à l’aéroport de Marseille. Des enfants, lui en avait déjà deux grands de Béatrice Chatelier, rencontrée sur le tournage des Sous-doués en vacances. Il disait, fier et droit : « Avant j’étais beau, mais un peu démodé, hein, comme un représentant de commerce, ça avait de l’effet auprès des femmes, maintenant je ne fais plus d’effet mais je fais pitié, ça marche aussi. » L’humour pour dernière cartouche.

Guy Marchand et Louis Garrel, dans le film « Dans Paris » (2006).

Des blessures, il y en avait chez ce Rouletabille qui croquait la vie pour ne pas être croqué par la mort ; qui vous imitait Jouvet, vous reprenait des tirades de La Femme du boulanger, de Pagnol, vous chantait sans que vous ayez rien demandé Destinée, la chanson qu’il interprète sur la bande originale des Sous-doués en vacances et du Père Noël est une ordure ; vous prenait à témoin de ses déboires financiers ou paternels : « Ma fille, elle croit tout le temps que je suis bourré, à parler comme ça. »

Lire l’entretien avec Guy Marchand (en 2012) : « J’ai toujours pu garder ma marginalité »

Il y avait de l’angoisse, derrière ce cabot compulsif. Il n’en laissait rien paraître, sauf une blessure, sans doute plus anecdotique que les autres qu’il aimait à raconter, parce qu’elle l’avait beaucoup aidé, disait-il : en 1980, il avait tourné dans Au-delà de la gloire, de Samuel Fuller : « Je chargeais au milieu des tanks à cheval !, racontait-il. Magnifique. Il a tout coupé. Et puis, j’ai revu le film dans une version rallongée, le “director’s cut”, comme ils disent, en 2008… Ils avaient remis ma charge ! » Son rire vous emportait, joyeux et innocent : « C’est de cette époque que j’ai appris à ce que mon ego soit jeté aux orties. Le cinéma, j’ai traversé ça en touriste. Mais ce qui y est fantastique, c’est que le présent y est l’éternité. »

Guy Marchand en quelques dates

22 mai 1937 Naissance à Paris

1972 « Une belle fille comme moi »

1979 « Loulou »

1981 « Coup de torchon »

1981 « Garde à vue »

1990 « Ripoux contre ripoux »

1991-2003 « Nestor Burma »

2006 « Dans Paris »

2017 « Otez-moi d’un doute »

15 décembre 2023 Mort à Cavaillon (Vaucluse)

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