Né le 7 décembre 1936 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) au sein d’une petite bourgeoisie laïque (son père est ingénieur, sa mère institutrice), Michel Arrivé, privé de son père, prisonnier de guerre dès 1940, grandit dans un cercle féminin. Bisaïeule, aïeule, mère et sœur entourent l’enfant dont le parcours scolaire est fulgurant. Entré en 6e à 9 ans, il est bachelier à 16 ans, et après l’hypokhâgne et la khâgne à Louis-le-Grand, il obtient l’agrégation de grammaire à 21 ans, plus jeune lauréat de l’illustre concours (1958). Dans l’intervalle, il s’est marié à 19 ans, et est devenu père à tout juste 20 ans – ce qui le dispense du service militaire.
En poste au lycée d’Evreux, puis à Pontoise, où il ne reste qu’un an, il est nommé en 1962 à la Sorbonne, assistant de Frédéric Deloffre (1921-2008) qui vient d’y entrer. Accédant au rang magistral en 1966, Michel Arrivé enseigne à la faculté des lettres de Tours avant de retrouver Paris, élu à l’université Paris-X-Nanterre, où il exerce jusqu’en 2006, ne renonçant qu’au plus tard à l’enseignement, tant ce métier est primordial à ses yeux – il a ainsi fait soutenir plus d’une centaine de thèses de doctorat.
« Le » spécialiste de Jarry
1970 est une année capitale pour le jeune universitaire. Il signe avec Jean-Claude Chevalier, dans la collection « Initiation à la linguistique » de Klincksieck, un essai synthétique, La Grammaire, toujours disponible, et soutient sa thèse de doctorat ès lettres sur Les Langages de Jarry, dont le philologue Gérald Antoine (1915-2014) est le rapporteur. Le jury, présidé par le grammairien et lexicographe Jean Dubois (1920-2015), qui deviendra un ami de Michel Arrivé, décerne la mention « très honorable » et les félicitations du jury à une somme qui désigne le jeune chercheur comme « le » spécialiste de Jarry.
De fait, cette œuvre, souvent jusque-là réduite à la seule geste du Père Ubu (1896-1906), va prendre sa vraie dimension grâce à Michel Arrivé qui établit, présente et annote le premier tome de l’intégrale du corpus littéraire d’Alfred Jarry pour la « Bibliothèque de la Pléiade » (Gallimard, 1972), première édition scientifique d’un corpus hybride réputé rétif à cette entrée dans les « classiques », dont les deux autres volumes paraîtront en 1987 et 1988.
Par Jarry, Michel Arrivé intègre le monde des pataphysiciens. Régent du Collège de ’Pataphysique, Michel Arrivé est résolument un « homme de plume » pour son disciple et ami Jean-François Jeandillou, professeur de sciences du langage à l’université de Nanterre, qui souligne chez l’essayiste et écrivain l’alliance du « constant souci de l’exactitude avec les précautions oratoires d’une infinie légèreté, avec tout l’humour d’un esprit qui va. »
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