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La mort de Jacques Siclier, critique de cinéma

L'ancien chroniqueur du "Monde", critique, auteur, scénariste, et même parfois acteur, est mort à 86 ans.

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Publié le 09 novembre 2013 à 17h00, modifié le 09 novembre 2013 à 17h18

Temps de Lecture 3 min.

Jean-Luc Godard et François Truffaut au festival de Cannes en 1968. Jacques Siclier a été un des premiers critiques à consacrer un livre à la Nouvelle vague en 1961.

Presque toutes les semaines, dans son supplément « Radio-Télévision », Le Monde publie toujours des articles de Jacques Siclier, au gré de la programmation des films à la télévision, même s'il avait arrêté d'écrire depuis plusieurs années. Télérama fait de même, et peut en outre se prévaloir d'avoir accueilli les textes de Jacques avant notre journal, du temps où l'hebdomadaire s'appelait Radio Cinéma. Ce serait un tel gâchis de ne pas profiter du trésor de science et de passion accumulé au fil d'une vie placée sous le signe du cinéma. Une vie qui vient de s'achever vendredi 8 novembre, à Paris. Jacques Siclier, critique, auteur, scénariste, et même parfois acteur, est mort à 86 ans.

Il est né à Troyes (Aube), le 27 mars 1927. En 1961, dans le quotidien L'Est Eclair, le jeune et brillant critique racontait qu'il était passionné de cinéma depuis l'âge de 7 ans. Mais on peut penser que son goût cinématographique s'est formé à l'adolescence, sous l'Occupation, une période sur laquelle il est revenu dans l'un de ses principaux ouvrages, La France de Pétain et son cinéma (1981, réédité chez Ramsay en 2002).

Alors que les films américains sont bannis des écrans, il apprend le cinéma à travers Clouzot ou Marcel Carné et s'attache aux grandes vedettes féminines, Zarah Leander ou Arletty. En 2006, il expliquait dans un entretien donné à la Cinémathèque : « Dès mon enfance, je me suis toujours identifié aux personnages féminins qui avaient des histoires d'amour compliquées ou malheureuses. »

Il lui faut pourtant attendre pour transformer sa passion en gagne-pain. Toujours à L'Est Eclair, il raconte : « J'avais 28 ans. J'étais employé aux établissements Bolloré. Une place s'est trouvée libre au bureau commercial de Paris. J'ai sauté sur l'occasion, et puis, très rapidement... » En effet, le jeune homme a envoyé aux Cahiers du cinéma un texte qui a retenu l'attention de François Truffaut. Jacques Siclier collaborera deux ans à la revue, et gardera des liens avec les cinéastes de la Nouvelle Vague (il fait une apparition, non créditée, dans A bout de souffle). Mais c'est surtout dans Radio Cinéma qu'on peut le lire. Il y est critique de cinéma, et - puisque l'époque n'est pas aux contrats d'exclusivité - collabore également à Télé 7 Jours.

A partir de 1960, il est chroniqueur télévision au Monde. Il y défend aussi bien les dramatiques de qualité de Claude Santelli que les « Incorruptibles », ancêtre de la série « Boardwalk Empire ». En matière de télévision, son cheval de bataille s'appelle Jean-Christophe Averty, provocateur qui passe des baigneurs à la moulinette, jetant le trouble chez les téléspectateurs de la Ve République naissante. Ses affinités avec la télévision le poussent à passer de l'autre côté de l'écran : il écrit les scénarios de deux feuilletons (on ne dit pas encore « séries ») télévisés, « Janique Aimée » (1963) et « Les Habits noirs » (1967), d'après Paul Féval.

NOUVELLE VAGUE

Mais la grande affaire, pour Jacques Siclier, reste le cinéma. Outre les innombrables critiques qu'il produit, pour Télérama, puis, à partir de 1973, pour Le Monde, il publie régulièrement. Ce compagnon de route de la Nouvelle Vague est l'un des premiers à lui consacrer un ouvrage. Nouvelle Vague ? (Editions du Cerf, 1961) observe avec sympathie et lucidité le phénomène dont il a été un acteur, certes périphérique, mettant en lumière les conditions économiques de l'émergence de ce cinéma d'auteurs. On lui doit aussi un Ingmar Bergman (Editions universitaires, 1960) ou, avec Jean-Claude Missiaen, un Jean Gabin (Henri Veyrier, 1977).

Sa somme sur le cinéma de Vichy est unanimement saluée pour son ampleur, tout en suscitant de nombreux débats. Dans ces colonnes, Alfred Grosser explique, approbateur, que « la thèse centrale [de Siclier est que] le cinéma dans la France de Pétain ressemble diablement au cinéma de la France d'avant Pétain ». Viendront ensuite Le Cinéma français (Ramsay, 1990), une belle histoire en deux tomes, et un roman à forte teneur autobiographique, Les Nuits de juillet (Seghers, 1991).

Jacques Siclier avait pris ses distances avec le milieu du cinéma, qu'il traitait avec l'ironie féroce qui pouvait être la sienne. L'avènement du magnétoscope, puis du câble lui permettait d'assouvir sa passion du 7e art de chez lui.

Toutes les équipes du « Monde » s'associent à la peine de la famille de Jacques, qui a collaboré pendant plus de cinquante ans à nos rédactions. - Natalie Nougayrède

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