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Bernard Manciet

Cette figure de la renaissance poétique occitane est mort, jeudi 2 juin, à l'âge de 81 ans.

Par Philippe-Jean Catinchi

Publié le 06 juin 2005 à 13h35, modifié le 06 juin 2005 à 14h59

Temps de Lecture 3 min.

Les trois mousquetaires de la renaissance poétique occitane étaient quatre : Max Rouquette, Robert Lafont, Bernard Lesfargues et Bernard Manciet. "Etaient" car le dernier nommé est le premier à disparaître, mort jeudi 2 juin, au cours d'une anesthésie, à l'âge de 81 ans.

Bernard Manciet est né le 27 septembre 1923 à Sabres (Landes). Licence de lettres classiques en poche, il fait paraître un premier poème, A le nèu, à l'été 1945. Mobilisé alors en Allemagne, il revient en 1946 et reprend ses études à l'Ecole libre des sciences politiques. C'est à Paris qu'il rencontre Les Amis de la langue d'Oc, le professeur Jean Bouzet, ainsi qu'Henri Espieu et Bernard Lesfargues, étudiants et futurs écrivains occitans. En 1946 et 1947, il publie d'autres poèmes dans l'anthologie de La Jeune Poésie occitane composée par Bernard Lesfargues et Robert Lafont ainsi que dans la revue L'ase negre-Occitania créée par Lafont, avec Léon Cordes.

Bernard Manciet retourne en Allemagne en 1947 pour travailler à la reconstruction, fonde l'un des premiers partis européens et entame une carrière diplomatique qui le conduira quelques mois au Brésil puis à Montevideo en Uruguay. Il en gardera un regard géopolitique aigu. En 1948, il publie pour la première fois dans la revue Òc six poèmes, écrits dans la graphie normalisée recommandée par l'Institut d'estudis occitans (IEO), créé en 1944 par Ismaël Girard, fondateur et responsable d'Òc.

UNIVERSALITÉ DE L'OCCITANIE

Cette année 1948 inaugure le début de nombreuses éditions et impressions de poèmes limitées à moins de cent exemplaires. Il se marie en 1955 à Sabres et poursuit son travail en Allemagne, affecté dans la Sarre, quand paraît son premier recueil, Accidents. Mais en 1956, il décide de s'installer définitivement dans les Landes, se consacrant à l'écriture et à la direction des Etablissements Dayon et Manciet, spécialisés dans la transformation du bois de pin, jusqu'à la fermeture de l'usine en 1965.

Sa collaboration à la revue Òc - ­ qu'il n'interrompit jamais : il en deviendra même rédacteur en chef en 1978, avant de s'adjoindre le concours de Jep Gouzy et Jean-Pierre Tardif - ­ l'amène à adhérer à l'IEO. Manciet est présent à l'AG de 1955, à Toulouse, mais s'opposant à l'extrême politisation de l'IEO, il y fait figure, avec Félix-Marcel Castan, de dissident. Tous deux prônent les valeurs universelles de la civilisation occitane contre les tendances nationalistes et économistes. Manciet ne démissionne finalement de l'IEO qu'en 1964 après que Girard et Castan en ont été exclus. Il se détache alors définitivement du mouvement occitaniste.

La même année est publié son premier roman, Lo Gojat de noveme, écrit près de dix ans plus tôt (éd. IEO, Pròsa). En 1966, sort le n° 1 d'Essais, revue annuelle thématique dont la ligne éditoriale est résumée ainsi par ses fondateurs, Bernard Manciet et William Berninet : "Ne résoudre aucun problème, envisager autrement, dérouler la question."

L'aventure dure cinq ans, marquée par le choix de Manciet en matière d'avant-garde. Lui écrit sans cesse et sans ordre, rendant impossible la perception réelle des contours d'une œuvre immense et polymorphe.

On retiendra notamment Le Triangle des Landes (Arthaud, 1981), Le Golfe de Gascogne (Arthaud, 1987) et La Maison de la Lande (In Octavo, 2003), visant à rendre à la Gascogne le rang qui est le sien, celui d'une grande civilisation atlantique. Ce désir, il le revendique aussi dans son œuvre majeure, le poème épique L'Enterrament a Sabres, livre-monde publié en 1989 mais élaboré pendant un quart de siècle : "Là subsiste, sache-le, une peuplade bafouée par l'Histoire. Moi, je lui donnerai mieux : de la légende."

Dans les années 1990, Manciet comme son œuvre sortent de la confidentialité. C'est alors que le poète fréquente la scène d'Uzeste en compagnie du jazzman Bernard Lubat. Parallèlement, le metteur en scène Gilbert Tiberghien lui commande deux pièces de théâtre Les Emigrants et Orphée, montées à Bordeaux en 1999 et 2004.

Ce poète majeur du XXe siècle est d'abord un personnage profond, complexe, désarçonnant parfois, mais humain et solaire.

D'une souveraine liberté pour célébrer en mots la mer, la lande, l'estuaire, Bordeaux, la course du temps, Dieu, la langue bien sûr. Essais, théâtre, prose et poésie surtout ­ - plus de cinquante références, dont trois attendues pour 2005 : Casaus perduts ou Confidences ­ jardins perduts (éd. Reclams ; version française annoncée à L'Escampette) ; Lo Brec ou La Blanche Nef (éd. Reclams), Le Triangle des Landes (In Octavo) ­-, Manciet laisse une œuvre considérable.

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