Symboliquement, l’initiative ne pouvait pas mieux tomber. En plein combat autour de la réouverture des librairies, la Ville de Paris s’apprête à rendre hommage à une figure mythique de ce métier, Adrienne Monnier (1892-1955). La « sainte patronne des libraires », comme la définit sa biographe Laure Murat.
Le conseil municipal de Paris, qui se réunit à partir du 17 novembre, est appelé à voter la pose d’une plaque à sa mémoire sur la façade du 7, rue de l’Odéon (6e arrondissement), à l’emplacement de son ancienne boutique. Alors que la maire socialiste Anne Hidalgo bataille pour que les professionnels puissent continuer à vendre des livres malgré l’épidémie, « c’est le moment idéal pour montrer, avec cette plaque, notre attachement aux librairies indépendantes », juge Laurence Patrice, son adjointe chargée du dossier.
Femme d’exception
Le projet, pourtant, n’a rien à voir avec le confinement. Au début des années 2000, Laure Murat achève Passage de l’Odéon (Fayard, 2003), un ouvrage sur Adrienne Monnier et sa compagne américaine Sylvia Beach, elle aussi libraire. Elle constate alors que si une plaque à la mémoire de Sylvia Beach orne le lieu qu’elle a fondé, Shakespeare & Company, rien de tel n’existe pour Adrienne Monnier. Le 7, rue de l’Odéon est devenu un salon de coiffure, et le souvenir de ce centre de la vie littéraire durant l’entre-deux-guerres risque de s’effacer.
« J’ai donc écrit au maire de Paris, Bertrand Delanoë », se souvient l’historienne. Elle rêve que le patronyme d’Adrienne Monnier soit donné à une voie du quartier, la passerelle des Arts par exemple. Mais l’affaire tombe à l’eau, faute de rue en manque de nom dans l’arrondissement. Même la plaque envisagée comme solution de repli ne voit pas le jour, en l’absence d’accord de la copropriété.
Ce n’est que cette année que Laurence Patrice, tout juste élue au conseil de Paris, relance l’idée. « J’ai été libraire à Paris pendant quinze ans, puis éditrice, le sujet me tenait à cœur », confie cette militante communiste. Elle reçoit l’appui de Laure Murat et de l’essayiste et militante lesbienne Suzette Robichon. Cette fois, la copropriété valide le projet. Et les élus de tous bords applaudissent. Femme, homosexuelle, libraire d’exception : Adrienne Monnier correspond aux personnalités que la Mairie souhaite rendre plus visibles dans l’espace public.
C’est à la fois « un petit magasin, une baraque foraine, un temple, un igloo, les coulisses d’un théâtre, un musée de cire et de rêves, un salon de lecture et parfois une librairie toute simple », décrit Jacques Prévert
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